II.

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Je suis arrivée dans son salon, sans amour, ni haine. Rien que fatalité. J'étais le bourreau. J'allais sceller son heure en premier.

Je restai debout, mon corps droit comme une flèche. Mon regard se baissa un instant vers mes souliers. Ils étaient noirs, sévères. Le jour les aurait détestés.

Je levai les yeux.

Cela faisait longtemps que les fleurs avaient fané. Elles étaient posées sur le petit meuble de marbre, dans un vase sans eau, leurs pétales en maigres boules sèches. Les épines sur les tiges avaient noirci. J'avais offert les fleurs un treize décembre. Mille neuf cent quelque chose. Le jour y avait collé les épines à la glue.

J'inspirai. Lentement, le chemin qui menait à la salle d'eau me revenait. Je glissai mes pas contre le sol, puis me lavai les mains. L'eau coulait sur mes poignets. Je sentais un grondement terrible déborder, dans chaque angle de mon corps, un mugissement affreux qui tremblait à chaque souffle.

J'étais laide. Mes lèvres étaient retroussées, et mes mains blanches sous le poids de la mort. Le rouge contre mes seins, mes hanches, découpait les courbes de mon corps. J'étais géométrie. Épingle. Épine. Lame.

J'ai ôté mes souliers. Je ne voulais pas froisser le jour lors de sa mort. Cette nuit-là, c'était l'anniversaire de nos silences.

Mille fois j'avais prié sur l'autel de nos mensonges, détresse au creux du cou, la misère trouant mes paumes.

Je fermai les yeux. La lutte commençait. Les portes des souvenirs s'ouvraient dans un grand courant d'air.

Dans un angle de la pièce, le temps me jetait des yeux furieux, mais malade et vieux qu'il était, je lui avais seulement sourit. Il avait viré Rouge.

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