III.

57 16 0
                                    

Il était temps.

Je coupai le flot du robinet. Le jour sommeillait tout au fond du grand couloir. Je m'avancai, porté par un corps m'apparaissant étranger. Sa porte était en saule. Une écharpe me piqua l'index gauche. Mon sang coula sur mes paumes. Rouge. Je l'observai. La coulée s'arrêta juste avant mon poignet.
J'ai ouvert sa porte.
J'ai clos mon cœur.
Le jour dormait.

Penché sur le côté, une de ses mains était posée sur les draps ; l'autre calée sous ses côtes. Ses lèvres balbutiaient parfois des fragments de rêve, perdus, confus, entre deux bribes de réalité. Ses paumes restaient ouvertes, désarticulées de sommeil. Un immense chamboulement croula au fond de mon ventre. Je sentais peu à peu des pierres s'entasser dans ma gorge. J'inspirai. Mes yeux restèrent longtemps posés sur ce corps. Mon regard parfois s'opacifiait. Le jour lui, ne bougeait pas.  À nous deux, nous étions le monde.

Mes dents s'étaient serrées. Refuser, Abolir les paroles.

J'avais coulé mon corps tremblant contre lui. Listé des mots durs pour attiser les braises. Le plafond face à mes yeux se confondait peu à peu dans le noir. La nuit, oblongue, criait dans mes veines. Je sentais toute sa chair, baignée de lui, sa présence, sa chaleur irradier jusqu'au fond de mon sang, entièrement immergée, engloutie, je perdais pied. Sa respiration s'enchaînait, battait mes tempes, ma tête étourdie s'emballait. L'abeille bourdonnait à mes oreilles. J'ouvrai les yeux. Je devais bouger. Maintenant. Alors, ma main, lente, laissant une traînée Rouge sur ses draps, alla s'enlacer à la sienne. Il tressailli. Je sentis un terrible sourire découvrir mes canines. La nuit rugît dans au fond de moi.

SolsticeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant