Part 1

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      Le son de la rencontre du verre avec le comptoir en bois m'extirpa de mes pensées. D'un hochement de tête je remerciai le serveur et saisis ma bière aussitôt. J'avais chaud, quelques gouttes de sueur perlaient le long de mon front, comme à chaque fois que je venais dans ce bar. L'ambiance avait toujours été rassurante ici. Une nouvelle fois, je détaillais le décor qui s'offrait à moi. D'imposants fauteuils en cuir entouraient de nombreuses tables basses en bois véritable, du chêne, m'avait précisé un jour Max, le gérant des lieux. Les quelques lustres ajoutaient une lumière tamisée à l'ensemble, tout comme les rares lampions présents sur le comptoir auquel j'étais accoudé. L'endroit était calme ce mardi soir, les rares clients étaient des habitués. Comme moi.

      Tout était fait pour que je sois l'homme le plus détendu sur terre. Je venais de terminer de passer mes partiels, je pouvais donc évacuer toute forme d'angoisse, mais j'étais cependant incapable de me laisser aller. Chaque gorgée de plus me faisait ressasser de douloureux souvenirs. J'en revenais toujours au même problème, à la même conclusion. Pas une seule fois, de toute ma vie, je n'étais parvenu à me débrouiller seul. J'avais quitté la maison très tôt car je n'arrivais plus à supporter mes parents, froids et autoritaires. Mais je n'avais pas fait cela seul, j'étais parti avec mon frère. De trois ans mon aîné, il avait cherché un appartement, monté un dossier, emménagé. Je n'avais fait que le suivre. A deux dans un studio d'étudiant, le ton était rapidement monté et une nouvelle fois, c'est lui qui était parti.

      Son départ n'avait pas vraiment été une délivrance, j'avais dû apprendre à affronter la solitude et l'ennui mais il m'avait poussé à m'ouvrir un peu plus aux autres. C'est de cette façon que j'avais rencontré Manon. Nous avions plusieurs cours en commun et pourtant je ne lui avais jamais adressé la parole. Elle était pétillante, un véritable rayon de soleil. Son intelligence et son énergie la rendaient incroyablement belle. Il ne m'avait pas fallu longtemps pour tomber éperdument amoureux d'elle. J'avais tenté de très rares et sûrement trop subtiles approches car, pour ne pas changer, c'est elle qui avait fait le premier vrai pas en m'invitant au restaurant. Nous ne nous étions, depuis, plus lâché d'une semelle. Je me sentais épanoui dans cette relation qui durait depuis plus d'une année déjà. C'était la seule personne qui comptait pour moi, tout le reste n'était que superficiel et négligeable.

      Un rapide coup d'œil à ma montre me tendit encore un peuplus. J'avais donné rendez-vous à Manon il y avait de ça plus d'une heureet elle n'était toujours pas là. L'agacement laissait petit à petit place àl'incompréhension. Aucun message, aucun appel. Ce silence pesait sur mesépaules, il fallait que je comprenne pourquoi elle n'était pas venue.Avait-elle appris une mauvaise nouvelle ? Était-elle simplementfatiguée ? Et si c'était le cas, pourquoi ne m'avait-elle pasprévenu ? C'était pour répondre à ces questions toujours plus nombreusesque je me rendis chez elle.    

Jusqu'à l'aubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant