Résidence de lord Philip, comte de Burskley...
Il était vingt heures lorsque le bal débuta, plusieurs invités étaient déjà arrivés. La vaste salle d'une hauteur imposante de sept mètres était vibrante de musiques entraînantes. De là où il était, à la balustrade du second étage, le comte de Bedford observait lord Philip et sa femme accueillir leurs invités à l'entrée. Ce dernier avait été l'un des meilleurs amis de son défunt père, c'était donc normal qu'il se sente si à son aise chez lui.
— Alors, les filles de Shrewsbury ne sont pas encore arrivées ? s’enquit une ravissante jeune femme à son côté.
— Non, pas encore, répondit-il d'une voix grave.
— J'espère que lady Lydia a bien reçu votre présent ce matin, déclara-t-elle sur un ton pensif.
Il s'agissait de lady Melody, sa plus proche amie.— Je n'en doute pas, elle doit avoir été surprise de cette attention de ma part. Chaque fois que j'ai eu à échanger quelques mots avec elle, je me suis montré assez distant.
— Êtes-vous certain de ne pas vouloir renoncer à temps à ce plan ?
— Cette femme doit payer pour ce qu'elle a fait à Edna. Jamais, elle n'a montré le moindre remord après sa mort. J'ai pu enquêter discrètement auprès de certains employés de leur résidence et j'ai eu la confirmation qu'elle n'est pas venue à son enterrement, ni avant ni après la présence de mon père et moi. Seule Mlle Lloyt et les domestiques ont assisté à cette brève cérémonie. Quant à ses parents, ils étaient occupés à faire de leur mieux pour que leur autre fille sorte de l'état critique dans lequel elle se trouvait, toujours par la faute de lady Lydia. Et selon mes sources... ce « dit » accident est survenu alors qu'elle défendait la situation d’Edna.
— Cette femme ne mérite pas que vous perdiez du temps pour la punir, la vie s'en chargera.
Il se crispa.
— Non, il faut qu'elle ait une leçon. Je veux qu'elle se sente humiliée comme elle humiliait chaque fois ma sœur, déclara-t-il sur un ton dur. Si seulement Edna m'avait laissé l'entretenir, jamais elle ne serait morte de cette façon. Mais elle avait toujours voulu avoir un travail où elle gagnerait de l'argent par ses propres efforts, et faible comme j'étais, je le lui ai fourni.
— Ne vous en voulez pas, c'était son choix, il n'était pas mauvais et je pense que ses raisons étaient bonnes. Personne n'aurait pu prévoir que sa maîtresse aurait poussé la cruauté aussi loin.
— Edna était une domestique quelconque à ses yeux dont elle se préoccupait peu, je le concède. Mais le geste qu'elle a posé et le manque de remords qu'elle a manifesté par la suite ont fini par éveiller en moi une grande rage. Edna était la personne qui comptait le plus pour père et moi, il ne supportait pas à sa mort, alors que cette femme n'a même pas réalisé la gravité de son geste. Connaît-elle la valeur d'un être humain ? Non, je ne pense pas, elle doit être plus instruite sur la valeur de tous les vêtements qu'elle s'achète. Elle ne réalise même pas la douleur que peut engendrer la perte d'un être cher. Elle mérite d'être blessée où ça peut lui faire vraiment mal.
Le regard gris du jeune homme s'assombrit et il regarda la salle avec plus d'attention. Sa compagne se fit songeuse.— Cette femme ne réalise pas la valeur d'un être humain, ceux qui sont moins nantis et privilégiés qu'elle ne doivent pas valoir grand-chose à ses yeux.
— Je souhaite qu'elle regrette amèrement ce qu'elle a fait à ma sœur, murmura-t-il en glissant ses mains dans les poches de son pantalon. Ensuite, je pourrai tourner la page de ce drame en me disant que justice aura été rendue en partie.
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Les Trois Filles Du Marquis De Shrewsbury [Édité]
Ficción históricaAngleterre 19e siècle, La belle, l'infirme et la bâtarde. C'est ainsi que l'on surnomme les filles de lord Kent, le marquis de Shrewsbury dans la bonne société londonienne. Ces surnoms ne sont pas infondés, entre Lucille qui est la fille illégitime...