XXI. Les voleuses de la Gare aux Escargots (Partie 1)

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De nombreuses légendes circulaient, dans la Galaxie R. Par exemple, celle racontant l'origine même de celle-ci. D'autres, plus modestes, remontaient seulement à l'époque des dieux, des destinées fulgurantes, et des châtiments à leur mesure.

On disait ainsi qu'à l'origine Tenris n'était pas dorée mais brune de terre. Ensuite, les dieux avaient créé dix prêtresses pour les honorer pendant dix mille ans. Mais les prêtresses se sentaient si seules qu'elles se mirent bientôt à pleurer et à se trancher les veines de désespoir. Comme les dieux les avaient faites immortelles, et que leur sang était d'or, la planète entière se couvrit d'or. Les rivières en étaient pleines, et la terre étincelait. Au terme des dix mille ans, cependant, les dieux décidèrent de leur accorder un souhait. Neuf des prêtresses choisirent la mort, et elle leur fut accordée. La dixième demanda dix enfants, et dix fillettes virent le jour. De même que leur mère, elles étaient faites d'or, et avaient reçu en héritage une vie longue du double de celle des mortels. La légende voulait que, plus tard, l'une des jeune fille ait engendré dix nouvelles tenrikhan à la vie exceptionnellement longue. Et cela devait continuer ainsi, pendant mille ans. Bien sûr, c'était juste une histoire. D'ailleurs, sur Tenris, la terre n'était même pas si dorée que ça.

*

Un vaisseau semblait arrêté, comme flottant dans les étoiles. Il paraissait hésiter. Tantôt il esquissait un mouvement sur la droite, tantôt vers la gauche, mais à chaque fois il s'abstenait de déployer toute sa machinerie et de s'élancer. À l'intérieur, quelqu'un finit par dire :

– Où veux-tu aller, Doyle ? Dans le bras de Phyla ? On pourrait aller voir les planètes triplées, ou bien l' astéroïde en forme de pantoufle !

– Je croyais qu'on partait en mission, pas faire du tourisme, glissa Doyle.

Perry se renversa sur son siège avec un grand sourire désolé, mais pas si désolé que ça.

– Oui, mais... On ne peut rien faire d'autre qu'attendre, pour l'instant. Et j'en avais marre de rester enfermé entre Kopy, Cycle et Brighton. Allons quelque part ensemble... s'il-te-plaît ?

Le jeune rombiuminien soupira.

– Ce n'est pas une question de vouloir. On ne peut pas se balader comme ça, pour le plaisir, alors qu'on a... Quoi, la galaxie entière aux trousses ?

– Et si on allait quelque part où on ne risque pas d'être vus ?, conclut Perry.

Enfin, le vaisseau effectua un salto arrière et bondit, toutes fusées brûlantes, dans la jambe de X. C'est ainsi qu'un peu plus tard dans la journée, Perry et Doyle se trouvaient dans le pied droit de la galaxie, plus loin de chez eux qu'ils ne l'avaient jamais été. Il n'y avait là qu'une planète verte et minuscule, en orbite autour d'une étoile à peine plus grande. Mais ils ne l'aperçurent même pas, car quelque chose la cachait : un gigantesque vaisseau à la coque rouillée.

– C'est un vaisseau itinérant. Une fois, il s'était arrêté près de Baladys et, avec mon père, on avait pris le bus inter-planète pour monter à bord, et on avait acheté les codes de localisation.

– Et qu'est-ce qu'il y a dedans ?

– Tu vas voir.

Le vaisseau était plus haut et long qu'il n'était large. Des milliers de hublots dessinaient des étages par dizaines. On aurait dit un gros bidon d'essence cabossé et posé sur son côté. Au sommet, trois grandes cheminées recrachaient des fumées incertaines. Le vaisseau avançait à peine, aussi lent qu'une tortue de l'espace. À l'arrière, des flèches indiquaient l'entrée d'un hangar sombre. Perry manoeuvra l'entrée prudemment, car d'autres vaisseaux entraient et sortaient à tout bout de champs et il voyait à peine où il allait.

Galaxy Blues - Une autre histoire de crevettes (Partie II)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant