Chapitre I

495 51 201
                                    

Un jeune garçon d'une dizaine d'années sortit de ses draps. Il avait le cœur battant à tout rompre et l'excitation de lorsqu'on s'apprête à commettre une bêtise s'était emparée de lui. Dans son pyjama bleu trop grand pour lui, le petit brun paraissait encore plus frêle qu'il ne l'était déjà. L'on aurait pu le briser simplement en le regardant. Il posa un pied au sol, veillant à ne faire aucun bruit. Il s'avança près de la porte de sa chambre lentement. Le parquet grinça sous son poids. Il se figea aussitôt. Il tendit l'oreille, la conversation dans la pièce à côté continuait sans qu'on lui prête attention. Rassuré, il continua d'avancer. 

Le petit garçon colla l'oreille à sa porte, les voix étaient étouffées. L'enfant pesa le pour et le contre, devait-il aller dans le couloir où il entendrait mieux mais risquerait de se faire prendre ou devait-il rester ici et tenter vainement d'intercepter quelques bribes de phrases ? Il tourna la tête derrière lui, Liora, sa petite sœur dormait profondément, ainsi elle n'irait pas rapporter à leurs parents ses expéditions nocturnes. 

Il poussa délicatement la porte, et par un quelconque miracle la radio grésilla au même instant. Le petit brun se faufila rapidement, anxieux à l'idée de se faire remarquer. Il se mit dos au mur, heureusement pour lui la porte était entrouverte, il put tout entendre et même apercevoir un angle de la pièce. 

Il jeta un coup d'œil rapide. Il vit sa mère. Il la trouva très belle malgré son état de santé inquiétant. Sa mère était auparavant une femme aux traits ciselés, au port altier. Il émanait d'elle une profonde noblesse, elle vous impressionnait en un coup d'œil. Elle était l'une de ces beautés froides venues de l'est. 

Evelyne Feldcher, n'était pas de ces femmes qui usaient de plus d'artifices qu'elles ne pouvaient s'en offrir. Elle n'en utilisait, à vrai dire, aucun. Et elle s'en passait très bien. Elle coiffait toujours ses longs cheveux blonds en un chignon complexe et choisissait méticuleusement ses vêtements. Malgré ses airs sévères, c'était quelqu'un de tendre, de chaleureux. Elle faisait partie de ces gens qui vous offraient plus qu'ils n'ont sans même que vous le leur demandiez. 

Mais le petit garçon n'était pas idiot, il savait que sa mère était malade. On lui répétait qu'il se faisait des idées, qu'elle était simplement fatiguée parce qu'elle attendait de mettre au monde son petit frère ou sa petite sœur. Lorsqu'il leur répondait que ce n'était pas comme ça pour Liora, on changeait de sujet. Lui, il s'inquiétait beaucoup, il voyait bien que sa mère ne souriait plus, sauf pour le rassurer. Il voyait bien ses cernes violacés, son souffle court, son teint cireux. 

Il avait peur, mais personne n'avait l'air de vouloir le comprendre. Il avait peur pour elle. Elle était tellement fatiguée. Il aurait voulu l'aider, la prendre dans ses bras et lui faire les câlins qu'elle-même lui prodiguait quand il était malade. Il en voulait à son père de soigner les gens mais de laisser sa propre femme comme ça. Il en voulait au monde entier de laisser le temps passer sans l'aider. Elle qui aurait tout donné pour réconforter n'importe lequel d'entre eux.

Alors, assis contre le mur, le garçon retint un sanglot et se rappela la raison de sa mission. Il savait que quelque chose se passait. Les adultes s'inquiétaient de plus en plus. Il entendit la voix d'Ezra :

– La situation est alarmante, j'en conviens tout à fait mais nous ne pouvons nous résoudre à fuir immédiatement !

– Et quand veux-tu le faire ? Dans deux ans ? Dans dix ? Quand le Führer aura pris possession de l'esprit de l'Allemagne entière ? Ezra, cesse de te voiler la face, si nous restons nous sommes perdus.

– Joshua, ne crie pas comme ça les enfants dorment, réprimanda Evelyne.

– Tu ferais bien de m'écouter ou tes enfants risqueront bien de dormir pour l'éternité.

Le cri de la GuerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant