Chapitre V

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Le temps était à l'orage en ce froid matin de mars. Ils étaient dans le carré juif du cimetière communal. Simon saluait des personnes qu'il ne connaissait pas, leur reprochant de pleurer autant quelqu'un dont ils n'avaient jamais pris le temps de demander des nouvelles de son vivant.


La cérémonie avait pris fin il y a quelques minutes. Les gens se réunissaient entre eux, puis venaient chacun leur tour présenter leur condoléances et partir, peu désireux de rester sous la pluie. Certains proches étaient partis dans leur appartement se retrouver, « s'unir face au chagrin » lui avait-on dit. Il n'aimait pas cette expression. Comment une ancienne camarade de classe plus ou moins perdue de vue pouvait ressentir le même chagrin que lui ?


Le cimetière était peu à peu déserté. Il se retrouva bien vite seul. Il s'assit à même le sol et ne retint pas ses larmes. À quoi bon ? Il lui parla. Il lui dit tout ce qu'il aurait voulu ou dû lui dire. Il vida son sac, son cœur, sa tête. Il lui raconta tout ce qui lui passa par la tête, il lui exposa tous ses doutes et ses peurs, il se mit à nu, il n'avait plus rien à perdre. Seul une bourrasque vint lui répondre. La solitude s'abattit sur lui comme un fardeau insupportable. Il aurait voulu qu'elle soit là, elle aurait eu les mots, elle.


Soudain, il repensa à la lettre qu'il avait trouvée. Il la sortit de sa veste, fébrile. Elle ne l'avait pas quitté depuis qu'il l'avait découverte. Il l'ouvrit méticuleusement, prenant garde à ne pas l'abîmer. Il lut :


Simon, Liora, mes très chers enfants,

Je vous ai aimés, je vous aime, et je vous aimerai toujours souvenez-vous-en toute votre vie. Sachez que je pars sans crainte. Je sais que vous serez là l'un pour l'autre. Je sais que vous serez des gens bien, que vous poursuivrez la vie, l'amour et le bonheur avec acharnement.


Alors je vous en conjure mes chers enfants, ne me pleurez pas. Pleurez un soir, ou même deux si nécessaire mais ne me pleurez pas plus longtemps. Laissez-moi partir sereine, rassurée. Jurez-moi aussi de vous aimer, de vous donner autant d'amour que j'aurai voulu vous donner moi-même.


Soyez sages. Simon, soit un homme fort et intelligent. Liora, soit encore plus forte et intelligente que l'on souhaiterait qu'un homme le soit. Les temps sont troubles et là est ma seule crainte. J'aurai voulu vous protéger, j'aurai donné ma vie pour vous, j'aurai tout fait, tout. Mais la vie m'en a empêchée. Je continuerai de veiller sur vous, et ce jusqu'à la fin des temps et même après.


Je vous aime mes enfants. Vous êtes tout ce qui m'est précieux. Vous êtes tout pour moi. J'espère avoir été une bonne mère pour vous. Je sais que j'aurai dû faire mieux. Je suis désolée, je suis tellement désolée mes pauvres petits. Je suis tellement désolée de vous abandonner à l'aube d'une période aussi funeste.


Si vous saviez comme j'aimerais être avec vous, à vous aider à supporter le monde. Il y a tellement de choses que je voudrais vous dire, vous expliquer. Tellement de choses, si peu de temps. J'espère simplement que vous vous en sortirez en restant sensibles aux valeurs que votre père et moi avons voulu vous inculquer.


Ecoutez votre père et Ezra. Ne vous braquez pas contre eux, ils n'y sont pour rien et ils ne voudront que votre bien. Parfois vous aurez l'impression qu'Ezra cherche à me remplacer, je lui ai demandé de veiller sur vous. Ne lui en veuillez donc pas, elle respecte simplement l'une de mes dernières volontés. Ne l'en empêchez pas. Ce ne sera probablement pas facile pour elle non plus, mais elle cache bien plus de choses que vous ne pouvez comprendre. Même moi, il y a des choses qui m'échappent encore. C'est une femme à qui vous pouvez faire confiance, elle vous épaulera jusqu'au bout avec une loyauté rare. Je ne vous reprocherai jamais de l'aimer.

Le cri de la GuerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant