Me voila seul, dans cette ruelle, avec à mes côtés une ravissante dame.
Me voila seul, et pourtant mon cœur n'aspire qu'à la solitude, refusant ce joli minois.
Me voila seul, dans ce parc hanté par des fantômes du passé, avec accroché à mon autre bras, son esprit aux courbes si familières. Sa mémoire me tourmente, me laissant dans cet état pitoyable.
Me voila maintenant véritablement seul, sans autre compagnie que ta charmante silhouette effacée. Tu me harcèles du soir au matin, du matin au soir, et ce n'est que quand tu te lasses de me voir que mes pensées redeviennent claires.
Me voila seul, une bouteille à la main, déambulant dans les rues mal éclairées, devant les bordels devenus maintenant intimes. Une jeune courtisane sort de l'établissement au bras d'un jeune homme. Ses cheveux volent dans la brise fraîche de la nuit et son sourire éblouit les méandres de mon âme. Il semblerait que tu ne m'aie point quitté finalement. Les larmes débordent de mes yeux, même après que ton image se soit envolée dans la nuit, lentement remplacée par le soleil levant.
Me voila seul, devant ce bordel, à attendre de l'aube au crépuscule que tu daigne sortir ton joli visage. Je n'ose te rencontrer, mais j'ai tellement envie de te revoir, ne serait-ce qu'une dernière fois. Tu descends, un beau matin, au balcon pour fumer. Tu ne me vois point mais je t'observe d'en bas, sans oser me manifester de peur de rompre ce magnifique rêve. Les rats ne jouent pas avec les colombes. J'ai peur d'entacher ta pureté.
Me voila seul, en bas des marches à t'observer discrètement. Elle te ressembles tellement que les contours de la réalité s'efface.
Me voila seul, de retour dans ce parc, avec ton fantôme qui me persécute, qui me presse de questions sans réponses et de remords. Que dois-je faire ? Je ne sais pas. Mais tu me guideras.
Me voila seul, devant ces fameuses marches, avec cette bouteille amicale alors que la nuit vient de s'installer. Les rires et les chants m'entourent et pourtant je suis sourd à cette mélodie. Un homme me pousse en avant et entre dans l'établissement. J'ai franchis la première marche, et je monte calmement, la tête ailleurs comme dans un songe. Tout s'efface autour de moi, ne laissant là qu'une porte qui me barre l'accès à ce lupanar. Cette barrière s'ouvre, me laissant entrevoir tes prunelles, ton magnifique visage étonné de voir un homme debout, qui n'ose bouger.
Me voila seul, avec ton sosie devant moi, avec ton reflet derrière elle, qui me sourit chaleureusement tandis qu'elle me prend par le bras pour m'inviter à entrée. Je refuse, évidemment. Je ne veux pas entrer ici. Alors d'une petite voix je demande à ce qu'elle me suive. Réticente, elle reste sur le pas de la porte. Je connais son métier, alors je sors une bourse pleine. Son expression se radoucit et elle décide enfin à me suivre.
Me voila seul, avec ton portrait vivant devant moi, dans ce parc hanté par ton souvenir. Nous batifolons ensemble, heureux, et je sens ton regard qui nous suit avec envie. Je t'imagine à sa place. Elle te ressemble tellement. Puis vient le moment fatidique où elle commence à se dénuder. Et je reste là, éberlué, à fixer ces courbes si généreuses, si gracieuses. Je la regarde se mettre à nue devant moi.
Nous voila seul, deux âmes unit dans la chair, avec pour témoins la lune et ton fantôme. Et d'un simple geste je me défais de ton emprise.
Nous voila seul, elle et moi, toi et moi, dans ce parc théâtre d'une affreuse tragédie avec pour spectateurs, les acteurs principaux. Le rideaux tombe en même temps que sa tête. En même temps que ma raison.
Et je sombre dans cette douce folie.
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Petites histoires nocturnes
ParanormalN'avez-vous jamais eu un petit ruban qui tournoi dans votre tête et que si vous décidez de le saisir, il vous montrera un morceau d'une histoire depuis longtemps oubliée ?