Chapitre trois : L'autre monde

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Au cours des jours suivant, je surpris à plusieurs reprises le regard d'encre de Robin posé sur moi. Il est toujours aussi poli et bienveillant, mais je sens quelque chose d'autre qui sous-tend son attitude... Comme si il cherchait quelque chose en moi.

Je n'aime pas ça. Normalement, j'aurai sans doute été flatté d'une telle attention, mais comme je savais quelle conversation avait déclenché ce soudain intérêt, je me sentais comme une bête curieuse.

Ma paranoïa ne faisait qu'empirer, car j'avais l'impression que Robin n'était pas le seul à m'observer. Déjà, il y avait Eleanor. Je sentais son regard bleu peser sur ma nuque, et je fuyais autant que possible sa présence. Cependant, elle n'était pas la seule. Je voyais d'autres étudiants, des inconnus, qui m'observaient bien trop longtemps. Au début, je pensais que c'était à cause d'Eleanor et de ses rumeurs. Au fil des jours, je compris que c'était peut-être dû à quelque chose de complètement différent.

Je finis par prendre une semaine de congé. Je ne supportais pas tous ces regards, j'avais l'impression qu'il y avait constamment quelqu'un en train de m'espionner, quelque part. Ma paranoïa s'aggravait sans doute, et il m'arrivait maintenant de me retourner dans la rue, croyant être suivi par une silhouette obscure.

***

Décembre. Les fêtes de fin d'année approchaient à grands pas, des guirlandes et des sapins décorant tous les bâtiments. J'avais commencé à aller à la gym, et je me sentais un peu mieux dans mon corps. Ma semaine de congé m'avait fait beaucoup de bien, j'avais pu prendre assez de recul pour comprendre que je m'étais fait des idées, et qu'il était temps de me prendre en main.

Mes résultats scolaires s'amélioraient à ma plus grande satisfaction, et un peu de muscle semblait remplacer tout le gras qui m'entourait. La vendetta des sbires d'Eleanor à mon encontre s'était enfin calmée, je pouvais enfin aller à la fac sans craindre autre chose que quelques quolibets. Ça, je pouvais gérer, j'avais l'habitude. Je prenais davantage confiance en moi, et ça devait se voir, peu de gens osaient s'en prendre ouvertement à moi. Ce qui ne m'empêchait pas d'entendre les murmures, cela dit.

A Blackgate, j'avais demandé à m'occuper des réserves. Mon supérieur avait accepté, un peu surpris, et je passais maintenant le plus clair de mon temps à soulever de lourdes cargaisons de provisions. Cette activité m'éloignait d'Eleanor et de Robin, et j'en éprouvais un grand soulagement. Leur attention soutenue me pesait trop, en fin de compte.

Cependant, l'idylle ne pouvait pas durer. Durant les semaines de vacances, les cours à Blackgate étaient interrompus mais l'institut restait ouvert pour les pensionnaires et les acharnés de travail. Du coup, quelqu'un devait rester gérer la cafétéria, et à cause des congés j'étais le seul disponible.

Je me retrouvais donc assis derrière le comptoir, à réviser mes propres cours. Les clients étaient rares, j'avais tout le temps du monde pour moi-même. Cependant à chaque fois que j'entendais quelqu'un entrer, je ne pouvais pas m'empêcher de sursauter et de regarder l'intrus : mais jamais Robin ou Eleanor ne pointa le bout de son nez.

La journée se finit tranquillement, et à 21 heures je fermais la cafétéria. Il faisait nuit noire dehors, et malgré mon épais manteau, je tremblais de froid. Les clefs cliquetaient dans mes mains, et je peinais à fermer les portes.

- Besoin d'aide ?

Grelotant, je me retournais. Robin était là, son regard d'un noir d'encre semblant sonder mon âme. Il était chaudement habillé, et ne semblait pas être incommodé par les quelques flocons qui commençaient à tomber. Silhouette noire dans la cour blanche, il ressemblait à un croque-mitaine.

Le Sorcier et la MagicienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant