Chapitre cinq : Caspian

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Mathéo resta deux jours de plus. Il faisait un colocataire poli, mais peu bavard. J'avais l'impression qu'après son petit tour de magie, notre camaraderie avait disparue comme neige au soleil. Je restais perplexe devant cet état des faits, mais je n'osai pas lui en parler.

Il partit un jeudi, sans que je comprenne davantage ce qui avait bien pu se passer, ou ce qu'il avait voulu dire. En attendant, je restais sans nouvelle de mon mage favori.

Au bout d'une semaine, je n'en pouvais plus de me ronger les ongles. Je pris mon manteau, ainsi que les affaires de Robin. J'avais oublié de les lui rendre la dernière fois que je l'avais vu, ce qui me faisait au passage une excuse pour prendre de ses nouvelles. Pathétique, je sais.

Alors que je me tenais devant la grille en fer forgé de Blackgate, je remarquai le silence de mort qui régnait sur l'académie. Même pour cet endroit gothique, cette absence de vie n'était pas habituelle. Les arbres dénudés semblaient morts, les buissons ne frémissaient pas sous un signe de vie animal, l'air restait immobile, froid.

Même sans être mage, je compris que quelque chose se tramait.
J'entrais dans Blackgate sans voir âme qui vive. Aucun gardien, aucun concierge, ce qui là encore était tout à fait anormal. Même si c'était une période de cours je ne vis aucun étudiant, ni même une trace de leur passage. Les salles étaient désertées, le chauffage à l'arrêt. Un halo de buée se formait devant moi à chacune de mes respirations.

N'y tenant plus, je commençais à courir dans les couloirs vides, criant le nom de mes connaissances : « Robin ! Mathéo ! Eleanor ! »
Je montais quatre à quatre les escaliers menant jusqu'au quatrième étage. Mes cris se faisaient plus puissants, plus désespérés. Où étaient-ils tous partis ?

Un pan de mur explosa soudain, me projetant durement contre l'autre mur du couloir. Je glissais à terre, sonné, toussant à cause de la poussière soulevée par l'explosion. Des silhouettes sortirent du trou ainsi creusé dans le mur, et je sentis des mains puissantes me relever de force. Je courus avec ces silhouettes, ne sachant ni trop où j'allais, ni avec qui j'étais.

Finalement je réussis à distinguer Mathéo – c'était sans doute lui qui m'avait aidé – courir quelques pas devant moi, et Eleanor me dépassa en courant. Nous nous arrêtâmes, tous essoufflés, dans un recoin obscur d'un couloir annexe. J'entendis des cris et des explosions au loin, et je savais qu'une terrible bataille magique s'était engagée.

Les mains sur les genoux, reprenant mon souffle, j'apostrophais mes deux acolytes. Je notais avec une pointe de satisfaction qu'ils récupéraient moins bien de leur course folle que moi.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Je ne sais pas... » haleta Eleanor, des perles de sueurs dégoulinant de son front.

- Caspian... Il a attaqué ! » crachota Mathéo, son visage rond semblant s'affaisser sous la fatigue.

- On doit y retourner !

La voix d'Eleanor se brisa, et elle prit quelques secondes pour avaler sa salive et aspirer un peu d'air dans ses poumons mis à mal.

- Robin venait juste de revenir... Il allait commencer son rapport quand tout est devenu fou ! Les créatures de Caspian surgissaient de partout ! Beaucoup d'entre nous sont tombés, sous l'effet de la surprise... Je ne sais pas combien ont pu s'échapper ! Il faut retrouver Robin avant qu'il ne lui arrive malheur.

- Je refuse. »

Nous regardâmes Mathéo, les yeux ronds. Je n'aurai jamais pu imaginer son refus.

Le Sorcier et la MagicienneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant