29 Juin 1860.
Les pavés des rues du quartier de Bloomsbury étaient, en cette fin d'après-midi, sans cesse martelés par les fers des chevaux, qui allaient et venaient au cœur d'une formidable jungle humaine. Il n'y était pas rare d'y entendre siffler d'irrépétables jurons à travers la barbe de leurs maîtres. Quotidiennement irrités par l'imprudence - ou bien était-ce le dédain - des passants nullement soucieux de l'endroit où leurs souliers foulaient le sol.
Au milieu de cette foule immense, une diligence, tirée par deux de ces infatigables et fringants Hackney tentait, en vain, de s'y frayer un chemin :
« - Joseph ! Quand diable arriverons nous donc ? cela fait des heures que nous voyageons depuis Douvres. Mon pauvre postérieur ne pourra supporter un seul pavé de plus...
- Nul besoin de vous inquiétez Madame, votre postérieur restera sauf. Observez attentivement les rues. Nous y sommes. » répondit l'interpellé d'une voix aussi posée que ne l'était sa personne.
Fébrile, cette dernière s'exécuta aussitôt et tourna son regard sur la petite fenêtre à sa gauche. Les nuances noisettes qui coloraient ses yeux et qui couraient sur ses cheveux dans une sublime cascade, s'éclairèrent. Suivi dans l'instant par des cris de joies qui résonnèrent jusqu'aux pauvres oreilles de Joseph :
« - Oh que Dieu soit loué pour avoir délivré mon fessier de cet inconfortable enfer ! » souffla-t-elle enfin en s'étalant de tout son long sur la banquette.
Une fois l'attelage arrêté, le vieil homme à la moustache immaculée, s'empressa d'aider sa maîtresse à descendre sur les pavés qui l'avaient vue grandir. Enveloppée dans une robe à la pointe de la mode victorienne, la fine silhouette élancée de la jeune brune apparue. Plus souriante que jamais, au côté de son fidèle majordome.
Trois coups sur la grande porte d'entrée en bois de la demeure suffirent à l'ouvrir. Une jeune femme, aux joues aussi roses que la toilette de son invitée surprise, apparue sur le seuil. L'incompréhension qui passa sur son visage, à la manière dont ses sourcils s'étaient froncés, s'effaça aussitôt pour laisser place à un magnifique sourire et à des yeux brillants d'émotion :
« - Li-lizzie ? C'est... c'est bien toi ? » s'étrangla la voix emplie d'espoir de la jeune femme. Un seul sourire en réponse suffit à les faire fondre en larmes dans les bras l'une de l'autre.
Le reste de la maisonnée, alerté par ces émouvantes retrouvailles, débarqua à la hâte dans la petite entrée.
L'assistance ainsi réunie fut tout aussi émue de revoir, après tant d'années, la petite Elizabeth.Celle-ci était devenue une magnifique Lady coiffée, à l'image de ses contemporaines, d'un chapeau à plume qui rehaussait à merveille la finesse de ses traits. La petite sauvageonne aux cheveux en batailles et aux tenues sans cesse débraillées, avait indéniablement fleurie en une élégante jeune femme.
Cette joyeuse troupe se dirigea par la suite vers le petit salon, afin d'échanger plus aisément et tenter de rattraper, au mieux, tout ce temps perdu :
« - Combien d'années se sont-elles donc écoulées depuis notre dernière rencontre ? commença Madame Darling, après avoir adressé mille compliments sur la beauté de leur invitée surprise et celle, toute particulière, de sa robe. « Sans conteste l'œuvre de l'un de ces célèbres couturiers parisiens ! » avait elle affirmée grâce à son œil expert.
- Je ne saurais le dire Sweetie, mais cela doit bien remonter à une dizaine d'années, assurément ! N'est-ce pas les filles ? répondit Monsieur Darling tout aussi perdu que son épouse.
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Mitakuye Oyasin
Tiểu thuyết Lịch sửAoût 1913 Rose noie ses yeux dans le ciel étoilé de Londres. Son regard se perd un instant sur cette étoile, si loin d'elle et pourtant si près, témoin silencieux d'une promesse de liberté. D'un amour condamné. Comment pourrait elle oublier ? Cette...