Chapitre 3 : Le géant d'acier

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⚓️ PDV de Rose ⚓️

Le voyage de Rose commence maintenant.
Êtes vous prêts à y plonger ?

Si tel est votre choix... Je suis certaine que le vieux Jack sera ravie de l'entendre ! Il était si impatient de partir. Mais ne vous formalisez pas trop avec sa manière de parler. Qui est ma foi... quelque peu... brute de pomme ?

Quelque part dans la cale du géant d'acier :
D'bout mes braves ! On met les voiles !
Les m'ssieurs dames d'en haut prennent le large à 10h30 tapante ! Pas une minute de plus ni d'moins !
Alors larguez les amarres et fumez moi 30 tonnes de c'fichu charbon d'malheur ! Et d'bon coeur ! J'veux vous voir suer comme lorsque vous prenez vos femmes !
🍎
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1 Juillet 1860.
10h17.

Au loin, l'air d'un accordéon s'éleva pour se confondre avec celui de la mer. Il emportait avec lui, une foule, qui s'élançait dans une folle danse. Où ouvriers, marins, domestiques et bourgeois y valsaient ensemble. L'allégresse et l'exaltation ambiantes se mêlèrent à la douce caresse des vagues sur la jetée. Me faisant oublier, pour un instant, les raisons de ma présence ici.

Je pars.

Mes pieds s'écrasèrent sur le vieux bois du quai de Southampton - dont les inquiétants grincements ne me disaient rien qui vaille. Ma respiration se fit plus lente. Une boule se forma dans ma gorge. Et mon cœur entama une course, aussi endiablée que celle du vent dans mes cheveux - pourtant enveloppés dans un grand chapeau bleu.

Je pars.

Mon sang afflua dangereusement à mes joues. Je rougissais. Encore. Je ne raffolais décidément pas des grands rassemblements...
Je resserrais, tant bien que mal, mes petits doigts agrippés sur la poignée de mon énorme valise.

Pourquoi l'avoir donc conçue aussi grande ?

L'air qui s'engouffrait sous mon chapeau et qui menaçait de l'emporter avec lui, me rappela soudainement à la réalité. Je m'empressais alors de l'écraser sur ma tête.

Aussi élégant qu'incommodant...

La veille, mère insista pour me l'offrir ainsi qu'une ribambelle de toilettes, de souliers et de chapeaux à plumes. C'était l'une de ses conditions pour me laisser partir.
Selon elle, il était indispensable de troquer ma garde robe de bonne à tout faire, pour celle d'une véritable Lady : «Vous serez très certainement amenées à côtoyer, à bord du navire, et en Amérique, de très ravissants jeunes hommes. Comment comptes-tu leur plaire dans cette affreuse robe noire, au côté d'Elizabeth ? As-tu donc été veuve dans une autre vie Rosie ?...». La suite, je ne m'en souviens guère plus. Il me faut avouer que j'ai cessé de les écouter, elle et ses éternelles préoccupations vestimentaires !
Ainsi sa seconde condition, mais pas des moindres, était le mariage. Ce serment d'amour éternel devant Dieu. Avec un homme qui m'aimera - d'abord, et qui sait uniquement- pour ce que je laisse paraître avec ses étouffantes robes, et non pour ce que je suis. Quelle drôle de définition du mot Amour !

Cette opinion, mère la connaissait tout aussi bien que père. Et ne s'y était jamais opposée. Rien que pour cela, je ne pouvais que leur en être encore plus reconnaissante. Puisque de nos jours, rares sont celles qui ont la chance d'attendre l'Amour pour s'engager - à vie - avec un homme. Toutefois, mère ne désespérait pas de me voir un jour épouser l'un de ces riches dandy anglais.
Finalement, pour que je consente à porter ces affriolantes toilettes. Père, avait su user de l'un de ses regards aussi attendrissant que sournois, tout en marmonnant à mi-voix :

Mitakuye OyasinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant