Ammalys : Le temps de la révélation

Une étrange rencontre

Ammalys, allongée sur le divan, se laissait gagner par la quiétude de sa chatte Luna. Elle l'avait nommée ainsi après l'avoir découverte devant sa porte un soir de lune bleue. Celle-ci avait depuis semble-t-il adoptée sa nouvelle maîtresse puisqu'elle n'était jamais repartie. Blottie contre sa poitrine, Luna ronronnait les yeux mi ouverts, se délectant des câlins que lui faisait avec bonheur chaque jour sa nouvelle hôtesse. Plongée dans un tourment de pensées, Ammalys s'apaisait lentement lorsqu'elles furent brusquement tirées de leur bien être par un éclair violent, suivi d'un grondement de tonnerre assourdissant. Ammalys regarda l'heure et s'aperçut qu'elle allait être en retard à son rendez-vous. Elle embrassa Luna et enfila son cuir rouge, prit sa besace et partit en courant sans même prendre le temps de fermer la porte d'entrée de son appartement.

Il est vrai que dans ce quartier de Gravenhall, Conventin, peu de voleurs osaient s'aventurer. Depuis plus de cent ans maintenant, ce lieu proche du palais royal abritait l'essentiel de la Garde Royale, ainsi que de nombreux gardiens de la cité. La pluie était dense et glaciale, la "Tempest" allait bientôt arriver et avec elle, un long silence qui durerait jusqu'au réveil de la nature, période que l'on nommait le "Rev Natoc". Après plusieurs ruelles parcourues,  Ammalys accéléra la cadence en s'engouffrant dans la rue de Hellride. Elle n'aimait pas venir dans ce secteur sombre où encore aujourd'hui, malgré la répression sanglante du roi, Ognariu Udor, des meurtres étaient régulièrement commis. Mais son mystérieux inconnu qui l'avait abordé quelques jours plus tôt dans la rue lui avait fixé le bar le plus mal fréquenté comme lieu de rendez-vous. Fort heureusement, du fait du temps, peu de monde se trouvait dans les rues. Arrivée sur les lieux, elle hésita... Etait-il raisonnable de poursuivre cette idée folle ? Peu importe, elle entra.

Le "Caupona d'Inanna" n'avait rien d'accueillant, en fait ce bar ressemblait plus à un trou à rats, sombre et sale. Les clients aux mines patibulaires se détournèrent à son entrée pour la fixer, et Ammalys prit conscience de sa stupidité. Certes, une femme attirait forcément les regards dans ces endroits mais elle regretta immédiatement sa tenue voyante et se jura d'être un peu plus prudente la prochaine fois. Toutefois, elle scruta rapidement l'ensemble du bar et repéra très vite la personne qui semblait tenir des informations sur son passé. Très grand, la peau mat, les cheveux noir ébène, les muscles saillants, il aurait pu être de la Garde Royale. Elle ne savait rien de cet homme et de ses intentions. Tant pis... Elle prendrait tous les risques pour en finir d'une façon ou d'une autre. Il y a trois ans maintenant, lorsque ses parents succombèrent dans un attentat contre le roi, alors âgée de dix huit ans, elle apprit par testament qu'elle avait été adoptée à sa naissance dans un village au nord de Gravenhall, dans la vallée d'Ismaal, à Tendoor. Depuis elle cherchait en vain ses véritables origines. Dans la cassette en bois, sculptée aux armoiries de la famille et scellée, remise par l'officier des instances du Tribunal Citoyen, les documents ne faisaient aucune mention sur celles-ci. Il était seulement noté "enfant femelle, parenté inconnue, déposée auprès du refuge de Grand Stern, l'An 5 du Règne de Gengris Udor, le 28 Tempest". Dans une lettre jointe, ses parents adoptifs lui expliquaient que face à leur impuissance d'enfanter, Amalia, avait prétexté un voyage auprès de sa mère malade pour aller adopter dans une région où peu de Gravenhalliens se rendaient. Personne ne savait et ne devait savoir car en ces temps de noirceur, l'arbre généalogique était d'une grande protection.Ils lui confiaient à titre posthume leur regret de ne jamais avoir pu lui dire la vérité afin de la protéger et la mettaient en garde contre la divulgation de ce secret. Ammalys ne comprit pas à la lecture de cette révélation ce que tout cela signifiait. Pourquoi ? Pourquoi adopter un enfant était-il menaçant ? De quoi avaient-ils eu si peur pour ne rien confier ? Jusqu'alors, elle ne voyait en son père qu'un guerrier puissant, membre de la Garde Royale, proche de la cour et en sa mère, qu'une femme courageuse, redoutable dans le mode des affaires et pleine d'assurance. Alors, tout ceci ne leur correspondait vraiment pas...