Un poème prophétique

28 1 1
                                    

A son réveil, Ammalys se sentait éreintée. Signe d'une très mauvaise nuit, Luna dormait paisiblement sur un fauteuil dans l'entrée, refuge en cas de nuit agitée de sa maîtresse. Malgré tout, la nuit avait été porteuse de conseils "Je ne veux pas me laisser engloutir, je vais reprendre mon entraînement". A la mort de ses parents, elle a vécu une période de deuil difficile, avait arrêté ses études, préférant faire la fête. Mais les nuits folles, les gueules de bois, les journées shopping, les beaux jeunes hommes à enlacer avaient fini par la lasser et une obsession s'était installée : qui était-elle ? "Stop ! Maintenant, il fallait que cela change, elle devait faire mieux !" Après son thé, Ammalys s'habilla chaudement, nourrit Luna, prit sa besace,  et y fourra un livre de la collection de son père. Elle enfila ensuite un manteau, un bonnet et une écharpe accrochés dans l'entrée et sortit en fermant la porte à clefs. Premier changement, elle était bien décidée. Le temps s'était encore refroidit. Bientôt les rafales s'intensifieront et la neige tombera. Rabattant sa capuche, elle se rendit à la gare pour y prendre un railway jusqu'à l'Académie Militaire. Dans le hall de la gare, beaucoup de monde s'affairait, sans prêter attention à ce qui les entourait. 

Assise sur un banc, Ammalys admira la voute en verre de la gare, si haute, si grande qu'elle se confondait avec le ciel. La structure en acier était imposante et à la fois élégante, tout en arrondi avec des gravures dorées. Au guichet, la queue diminuait peu et elle nota tout à coup qu'un enfant la regardait avec insistance. Celui-ci semblait avoir froid, il ne portait qu'un gilet de laine, ni manteau, ni bonnet, ni écharpe. La femme qui l'accompagnait non plus d'ailleurs. Très pale, cette femme paraissait ne pas avoir beaucoup plus chaud que l'enfant. "Maman aurait aidé cette femme", se dit-elle. Cette pensée ramena ses souvenirs dans un endroit qu'elle avait occulté ces dernières années, "le Refugium H'ayal". Sa mère était à l'origine de sa création avec quelques autres bienfaitrices. C'était un lieu où les veuves et orphelins de soldats pouvaient trouver aide et réconfort. Les conflits qui sévissaient depuis de nombreuses années dans le Royaume de la Dynastie Udor faisaient des victimes parmi les soldats, mais le précédent Roi, Gengris, ne s'était  guère soucié de leur famille. Par décret royale, après un deuil accordé d'un cycle, elle devait quitter l'habitation attribuée par les services du Commandeur, chef militaire de chaque cité. Parfois, pour certaines de ces femmes, sans famille et sans emploi, cette expulsion de leur foyer était une épreuve si difficile qu'il y eut par le passé des suicides. Face à l'indifférence de la Royauté et des instances administratives, quelques femmes se sont regroupées et ont créé un consortium pour leur venir en aide. Elles ont mis différentes actions en place pour récolter des fonds afin d'offrir un lieu d'accueil à ces femmes et de les aider à se reconstruire un avenir. Parfois, elle y accompagnait sa mère lors d'événement particulier comme la fête" Yareach's", célébrant l'alignement des trois lunes. Soudain l'entrée en gare d'un train la ramena dans le présent. Elle se leva et se dirigea vers son quai. L'enfant qui l'observait se détourna et s'agrippa à la femme qui l'accompagnait.

- Maman, maman, murmurait-il en tirant sur la main de sa mère pour lui indiquer de regarder dans la direction d'Ammalys.

Celle-ci lui fit un sourire et regarda vers les quais. Parmi la foule, elle crut reconnaître une personne qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps. Elle prit la main de son fils et se précipita sur Ammalys. Arrivée à sa hauteur, elle l'arrêta en lui agrippant le bras. Ammalys fit volte face si vite, prête à riposter, que le garçon eut un mouvement de recul.

- Pardon, excusez-moi, je ne vous veux pas de mal, mais il me semble vous connaître ! Permettez-moi de nous présenter, je m'appelle Séléna Karan et voici mon fils, Alcain.

- Bonjour, je m'appelle Ammalys Aven. Nous nous connaissons ?

- En effet, c'est donc bien vous ! Lorsque vous étiez plus jeune, je vous ai rencontré au "Refugium H'ayal" avec Amalia Aven.

Ammalys : Le temps de la révélationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant