Rires, silhouette qui scintille et vérités.

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L'école d'art était immense. L'architecture y était folle, toute en colonnes de marbre rose, en murs ornés de mosaïques et en plafonds de verre décorés par endroits par des vitraux. Mon premier jour là bas s'y était déroulé comme dans un rêve dans lequel tout est trop beau pour y croire. Tu vois, mes parents sont situés dans ce qu'on appelle communément la classe moyenne. Mes études, j'en rêvais depuis mes quinze ans, quand j'ai appris qu'avec de l'argent je pourrais faire de la plus grande de mes passions un métier.

À partir de là, j'ai travaillé pendant les deux mois de vacances de mes trois années de lycée. Tout ça pour qu'un jour, je puisse tenir entre mes mains une bande dessinée avec mon nom et mon univers sur la couverture. Oh comme je m'y suis accroché, à ce petit bout de mirage, à cette utopie, quand au lieu de rire avec mes amis je faisais caissier au supermarché ! Je ne regrette en rien ces décisions, au contraire j'y ai rencontré des gens formidables et j'y ai vécu des très belles expériences.

Le but de ces phrases, Camille Oryne, c'est que tu te rende compte à quel point tu as été importante dans ma vie. Que l'impact que tu y as laissé creuse un putain de trou dans ma poitrine. Que la douleur que tu y as semée me laisse encore pantelant, après des nuits d'insomnie.

Tu te rappelles quand t'es venue me voir pour la première fois ? Je suppose que non, tu déteste les souvenirs heureux. Toi, tu préfères te complaire dans tes malheurs. Combien de fois j'ai essayé de te changer ?

Moi je m'en souviens bien. Ça faisait presqu'un mois que je t'avais rencontrée et que les cours avaient commencé. Ça faisait des semaines qu'on échangeait des textos. Des semaines que ton prénom et ton nom avaient les couleurs vibrantes de ma première soirée ici. Des semaines que je ne cessais de me rappeler de la fumée de ta cigarette et de l'incroyable confiance en moi que tu avais fait s'exprimer sans que j'en sois vraiment conscient.

Ce jour là, il faisait beau. Un de ces soleils d'automne qui éclaire doucement le ciel brumeux, un de ces soleils timides que tu accusais de lâcheté dans tes moments de vérité. Ce jour là dans mon cœur aussi, il faisait beau. J'avais terminé la première planche de ma future bande dessinée. Je l'écrivais avec un ami que j'avais rencontré lorsque je m'étais perdu dans l'immensité de l'école, en septembre.

J'étais avec lui et avec ma petite bande d'artistes, sur notre banc préféré dans le parc derrière l'école, la première fois que t'es venue me voir. T'as jamais voulu savoir qui ils étaient. C'est le moment non, tu ne crois pas ?

Nolan, d'abord, au sourire solaire et à l'âme sombre qui travaillait avec moi sur la bande dessiné. Tout en sarcasme, grand adepte du cynisme, mais le premier à aider en grommelant au besoin. Je crois que tu l'aurais beaucoup apprécié. Alice, ensuite, aux beaux yeux vert d'eau et au crayon vif. Elle était toujours en train de griffonner quelque chose, je crois que pour elle les mots étaient trop restrictifs pour ce qu'elle avait à dire. Evan, enfin, toujours plein d'idées pour nous faire virer, je crois que sans lui mes journées auraient manqué de fou-rires.

Ce jour là, je riais aux éclats, j'en avais même les larmes aux yeux. Alice avait lâché son crayon et s'était lancée de bon cœur avec Evan dans une joute au tube-de-colle-sabre-laser pour savoir qui des deux avaient le meilleur coup de crayon. Avec eux, j'avais l'impression qu'on m'offrait l'enfance qui m'a été volée, tu comprends ? Nolan comptait les points, et moi, entre deux crises de rires, je commentais.

J'avais un peu parlé de toi à Nolan, très vaguement. Camille Oryne... Avec sa créativité, il t'avait transformée en légende. M'est avis que tu n'avais pas besoin de transformation. Camille Oryne. J'adore ton nom. Je pourrais le répéter pour toujours sans m'en lasser.

Parapluie lumineuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant