Whisky, larmes qui rayonnent et sa lettre

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Quand j'ai reçu ton SMS, qu'est-ce que j'ai eu peur ! Hey j'vais pas bien des masses là, tu viens ? T'as jamais dit comment t'allais. Même quand je te demandais, par réflexe, tu m'envoyais promener. Chez-toi, les états d'âme c'était un peu tabou.

J'ai pris mon skate sous mon bras, j'ai oublié mes clés sur mon bureau, j'ai laissé Thomas et Allan dans l'incertitude et j'ai dévalé les escaliers. Sur mon lit, mon portable a vibré une minute. C'était Alice, et elle aussi avait besoin de moi. Putain Camille t'es passée avant mes amis et tu penses que je t'ai oubliée ?!

J'ai ignoré les lumières que j'aimais trop, je me suis enfoncé dans l'obscurité de ta ruelle avec soulagement, comme on plonge dans de l'eau fraîche en été. La fontaine m'a accueilli avec son clapotement doux, les bancs trônaient toujours à leur place mais quelque chose avait changé.

Ton appartement n'était plus drapé d'une de ses couleurs irréelles.

J'ai eu peur, Camille, très peur, qu'il te soit arrivé quelque chose dans le laps de temps qui s'était écoulé entre ton message et mon arrivée. J'ai tapé le digicode sans y réfléchir, j'ai gravi les cinq étages. La porte était ouverte. J'ai paniqué.

J'ai foncé dans le salon, t'y étais pas. J'ai couru dans ta chambre, toujours pas. J'ai ouvert la porte-fenêtre mais t'étais pas sur ton balcon. J'ai failli exploser les composants électriques qui traînaient partout.

J'ai ouvert la porte de la cuisine. Et t'étais là, affalée sur le carrelage, une bouteille de whisky à la main. T'étais appuyée contre la gazinière, tes boucles noires ruisselaient sur tes épaules et t'avais fermé les yeux. Je n'avais aucune idée de l'état de tes perles de mer, mais je les imaginais noyées de rouge.

J'ai pris ton visage entre mes mains. T'as souri bizarrement.

- Putain Camille qu'est-ce que t'as foutu ?

- Ah, salut, Marin Salois !

- Lâche ça tout de suite !

- T'es venu ?

Je t'ai arraché la bouteille des mains. Tu puais l'alcool. Je déteste l'odeur de l'alcool. Je l'abhorre. Je t'ai levée. Tu pesais une tonne. Toi, la si légère et si vive Camille Oryne, tu pesais une tonne.

J'ai une question : jusqu'où tu serais allée si j'étais pas venu ? Est-ce que tu te serais laissée mourir ?

Je t'ai presque portée jusqu'au canapé. Étrange quand je m'étais habitué à te voir voleter d'un mur à l'autre ou d'une pirouette à un entrechat. Et tu t'y es assise, avec ton sourire difforme, le dos aussi droit qu'à ton habitude.

T'as regardé dans le vide et t'as rien dit. Je me suis assis face à toi. J'ai enveloppé tes mains dans les miennes. Et t'as toujours rien dit.

- Camille... Camille pourquoi ça va pas ?

T'as rien dit et ton sourire s'est effrité. Les coins de tes lèvres se sont abaissés tout doucement. Et une larme a roulé sur ta joue. Elle m'a fait tellement de bien. J'ai compris que t'avais quitté ton état léthargique et que t'allais m'expliquer.

Et ces larmes, Camille, ces larmes m'ont paru être des soleils. J'étais tellement tendu avant de les voir scintiller qu'elle m'ont parues être sublimes. Merde Camille, c'est beau les larmes alors pourquoi t'avais honte des tiennes?

Je t'ai serrée dans mes bras. Et j'en avais plus rien à foutre de l'odeur d'alcool, du fait que ton sweat collait à cause du whisky qui avait coulé dessus et que la guirlande d'ambre était éteinte. Je t'avais contre moi, t'étais vivante et tu pleurais alors t'allais parler.

Parapluie lumineuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant