Collision - T1 Terminé

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Dans un temps désormais oublié, les hommes se sont entretués lors d'une guerre si atroce, que les survivants ont préféré taire leurs actes. C'est à cette même époque que les sauveurs de l'humanité ont décidé de changer la face du monde en créant une société plus égale. Les instigateurs de ce projet sont aujourd'hui connus sous le mystérieux titre de "Grand", et gouvernent dans l'ombre deux types de personnes : les Physiques et les Cerveaux. Les premiers ont une société basée sur l'apparence et l'individualité, les seconds se fondent dans les rouages du système et cherchent le savoir ultime. Notre quotidien s'est retrouvé scindé en deux mondes qui cohabitent parfois mais ne se mêlent jamais. Quiconque tente de remettre en question ces règles, doit s'attendre à disparaître sans laisser de trace.

J'appartiens à l'immense masse des Cerveaux, tout comme le reste de ma famille, bien qu'à cinq ans j'ai été diagnostiquée Non-Conformiste. Ce défaut de personnalité, considéré comme un handicap, m'a vite fait comprendre le sens du mot tabou. Qu'importe le lieu ou la personne, je devais me conformer à ma société et enfouir silencieusement ma réelle condition, au point de m'oublier complètement. On m'avait prédit un échec cuisant, il n'en est rien : après des années d'efforts je suis devenue une élite respectée par le corps enseignant.

Alors que je vivais enfin sereinement dans ma ville Cerveau, mes parents, scientifiques de renom, se sont vus attribuer de nouvelles études de population dans une des rares villes mixtes. Cette nouvelle inattendue m'a révoltée tout l'été, mais je n'ai eu d'autre choix que de suivre le mouvement. La simple idée de côtoyer quotidiennement ces Superficiels me dégoûte au plus haut point, alors y rester toutes mes années lycée était impensable !

C'est ainsi que je me retrouve devant le portail de mon nouveau lycée. Il me suffit d'une enjambée pour être souillée à vie. J'inspire et fais le premier pas vers cet avenir incertain. J'expire et réalise que c'était finalement assez simple. Je relève fièrement le visage, remets une mèche rebelle dans ma sempiternelle tresse et me prends une personne en pleine face ! Non mais je rêve ! Il ne peut pas faire attention ! Alors que je rouspète intérieurement, je lui lance un regard noir et me rends compte que c'est un Physique. Je baisse la tête dans la précipitation et me confonds en excuses. Je le dépasse et continue mon chemin en me frottant le nez pour tenter d'atténuer la douleur. Quel imbécile !

Je repense alors à toutes ces années où j'entendais mes camarades s'extasier sur les manières et la galanterie des Physiques. Elles se trompent sur toute la ligne ! Tous ceux que je croise sont certes "beaux" si l'on prend les critères énoncés dans plusieurs études, mais ils sont bien loin de posséder un quelconque esprit guerrier et courtois. Je soupire me demandant même d'où vient une telle idée reçue.

Je continue ma route en traversant le parking, les différentes cours, et reste étonnée face à l'immensité du lieu. On aurait dit un centre commercial ! La partie lycée se compose de plusieurs bâtiments reliés entre eux par des passerelles de verre et des couloirs plantés d'arbustes, sous lesquels les élèves sont assis sur des bancs blancs ou en bois. Certains se maquillent, d'autres discutent de divers sujets et les derniers sont plongés dans leurs manuels et révisent avant le début des cours. J'entre et découvre le bâtiment principal. Composé de trois étages en forme d'ovale, c'est en réalité un hall ouvert, spacieux et lumineux grâce à une verrière sur le toit. Sur chaque étage, des casiers rouge bordeaux s'alignent entre les portes des salles de classe, et j'aperçois même plusieurs départs de galeries en verre permettant sûrement d'accéder à d'autres espaces. Mon regard s'arrête alors sur l'élément le plus étrange de ce lycée : un palmier immense dont les feuilles touchent pratiquement le toit. Cet immense arbre trône au centre de la galerie et en levant les yeux, je découvre la foule d'élèves essayant de se frayer un chemin sur les coursives.