Fumée

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Un jour dans ton appart on ne voyait plus rien tellement la fumée était étouffante. T'avais fermé la fenêtre, et t'avais fumé deux clopes. Et ça suffisait pour rendre ton appart aussi brumeux qu'un hammam, l'humidité en moins.

J'étais serrée contre toi, brûlante entre tes bras. Cinq semaines que tu m'avais annoncé ton cancer, cinq semaines que mon cœur pulsait douloureusement et que mes pensées embrouillées n'étaient claires que quand j'étais à tes côtés parce qu'il n'y avait que dans ces moments là que j'étais sûre que tu étais vivante.

Souvent, je pleurais. Tu me caressais les cheveux et t'essuyais mes larmes. Tu ne me disais pas que tout irait bien, t'aimais pas les mensonges. Tu te contentais d'être là pour moi, de me prendre dans tes bras et de me bercer jusqu'à ce que j'aille mieux.

D'autres fois, c'est toi qui sanglotait. De terreur, de douleur, d'amertume, de tristesse. De plus en plus souvent de douleur. Parfois j'étais incapable de t'arrêter de hurler pendant plusieurs minutes. C'était horrifiant. Je sentais grandir en moi une rage inhumaine, une de celles qui me permettrait d'arracher toutes les étoiles du ciel si je la laissais s'exprimer.

Le reste du temps on s'embrassait. On s'embrassait à ne plus respirer, on faisait fusionner nos deux corps, je prenais ta douleur tu prenais ma rage. Un bon compromis pour que tu continue de vivre. On s'embrassait à oublier tout, tes cigarettes, tes yeux, mon cœur brisé. Ton cancer et la mort.

Le reste du temps, on s'embrasait. Mais la fumée nous collait toujours, elle s'insinuait dans nos narines, entre nos peaux, entre nos lèvres. Je la détestais de plus en plus, parce qu'elle te détruisait de plus en plus chaque jour.

Je la haïssais profondément, durablement, pour toujours. C'est ce que je croyais. Oh j'y croyais si fort que ça m'arrive de pleurer en y repensant.

Je t'aimais Nina. Trop fort beaucoup trop. Et quand tu as détruit ton corps, tu as détruit mon cœur. Plus rien n'avait de saveur, d'odeurs, de couleurs, un vrai bordel. Tout collait, tout poissait, tout m'entravait. Tout comme cette putain de fumée.

CigaretteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant