Cigarette

Fondre

J'ai l'impression de brûler comme tes cigarettes, Nina. Tout en moi est douloureux. Respirer ça fait mal. Sourire ça fait mal. Vivre, ça fait tellement mal. Vivre sans toi, c'est horrible.

J'ai l'impression de me liquéfier. De n'être plus rien de solide. Seulement de l'eau bouillante, sifflante, instable. Seulement des bulles qui éclatent, des vagues qui hurlent, de l'écume qui s'écrase.

J'ai l'impression que tu es toujours là. Que tu me serre dans tes bras ou que tu m'étrangle pour m'empêcher de vivre. Que tu m'exhorte à bouger ou me conforte dans mes illusions si belles.

J'ai l'impression de mourir. Puis de revivre. Pour mourir ensuite. Et vivre à nouveau. Mourir plusieurs fois est éprouvant, tu le sais pas parce que t'as pas voulu mourir plusieurs fois. Parce que tu m'as obligée à te tuer.

J'ai l'impression d'être coupable. Coupable d'avoir hoché la tête quand ils m'ont demandé si tu voulais mourir. Putain tu voulais pas mourir ! Et je voulais pas que tu meures ! Alors pourquoi, pourquoi j'ai fait ça ? Pourquoi, pourquoi j'ai accepté de te laisser partir ?

Ma sœur m'épaule beaucoup. Elle vient avec moi dans ton appart. Elle me prête son épaule pour que j'y pleure. Ses oreilles pour que j'y crie. Son cœur pour que je m'y cache.

Nina tu me manques. Parfois c'est insupportable. Parfois j'oublie que tu as existé. Et parfois je fume.

Ma sœur dit que je devrais arrêter. Que ça va me tuer moi aussi. Et moi je lui répond que c'est la souffrance qui me tue. Elle dit que c'est dur mais que ça va passer.

Nina putain, je sais même pas exactement pourquoi t'as commencé à fumer ! Nina bordel, tu m'as rien dit sur ton passé, je sais pas pourquoi ça fait vingt ans que tu sais que tu vas mourir tôt !

Nina je sais même pas pourquoi t'avais peur de la mort alors qu'à part moi, tu n'avais aucune attache dans ce monde.

J'ai l'impression de fondre putain. J'ai l'impression que dans tout mon être, tout coule, que mon sang noircit, troue, détruit, mes organes et mes muscles. Tu me manque trop, Nina, putain qu'est-ce que tu me manques !