Murmurer

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Je suis allée voir une psy. C'est ma soeur qui me l'a conseillée, elle m'a dit que t'avoir perdue avait été un traumatisme et qu'il me fallait de l'aide pour m'en remettre. Elle m'a dit que je n'avais rien à perdre à essayer, parce qu'elle me paierait la première séance.

J'y suis allée. Et je n'ai rien pû dire. Les mots que je hurlais, pleurais, maudissais, restaient coincés dans ma gorge. Les maux que je haissais, contre lesquels je me révoltais, ne voulaient s'échapper de la prison d'or dans laquelle je les avais enfermés.

Ils ne s'envolaient pas, volubiles, avec la fumée de ma cigarette. Ils ne coulaient pas, lourds, avec mes larmes qui piquent.

Je n'ai rien pû dire. J'ai seulement laissé échapper quelques pleurs. Mais ça ma fait du bien. Alors j'y retourne.

Et je sais que cette fois, je vais réussir à lui parler. Je sais que cette fois, elle va savoir. J'aime bien regarder son visage pendant que je ne dis rien et qu'elle parle. Elle a des traits doux, des mimiques rassurantes, des cheveux duveteux comme des nuages.

Elle sait me poser des questions qui résonnent dans moi. J'y réponds, seulement elle ne sait pas lire dans mon crâne. J'y réponds, seulement mes cordes vocales refusent de le lui dire.

Mais aujourd'hui j'ai murmuré. Je suis incapable de parler alors je murmure. Elle s'est arrêtée au milieu d'une phrase, et, d'un signe de tête, m'encourage à continuer.

- Je l'aimais, je souffle, très fort. Et elle est morte brutalement. Sous mes yeux. On m'a demandé si elle voulait mourir. J'ai dit oui. Mais c'était pas vrai, elle voulait pas mourir. Elle me l'a dit. Elle voulait vivre. Elle voulait regarder avec ses yeux qu'elle aimait pas, repeindre les murs de son appart alors qu'ils étaient blancs depuis qu'elle l'avait acheté, acheter un chien ou des poissons alors qu'elle n'est pas assez organisée pour ça. Je l'ai changée, avant elle avait peur de mourir parce qu'elle ne connaissait pas, après elle avait peur de mourir parce qu'elle ne m'aurait plus auprès d'elle. Je regrette fort. C'aurait peut-être été plus simple pour elle de mourir si elle avait juste eu peur de l'inconnu ?

Mon murmure se perd dans mes sanglots. La femme hoche la tête et me sourit, confiante, douce. Je me sens mieux. Je n'avais dit ça à personne à part à la lune et à mes clopes. J'ai envie de fumer. Pour ça, Nina, je m'excuse. Je sais que tu aurais voulu que j'arrête de te fréquenter avant d'être tentée mais c'était impossible. Tu le sais, ma belle Nina ?

CigaretteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant