Mégot

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D'un coup t'as disparu.

Et tout est devenu noir.

noir

noir

noir

noir

J'ai cru mourir aussi. Quand je t'ai vue, si frêle, si fragile, sur ce lit tout blanc, dans mon monde tout noir, j'ai cru qu'on m'arrachait moi aussi à la vie.

Que cette putain de cigarette m'avait enlevée en même temps que toi.

Je t'ai tenu la main. Je t'ai dit que tu étais une guerrière, qu'il ne fallait rien lâcher.

Tu m'as dit que ça faisait mal. Que tu ne pouvais plus supporter.

Tes boucles bleues sont tombées.

Tu n'as plus voulu voir un miroir. Tes yeux te brûlaient de les arracher. Tu les détestais tellement que sans moi tu n'aurais jamais ouvert les paupières à nouveau.

Tu disais que tu voulais me voir tant que tu le pouvais encore.

Tu disais que j'étais trop belle, trop courageuse, pour que tu m'oublies dans la mort.

J'ai pleuré. Tellement pleuré.

Un jour, je me vidais de mes larmes devant l'hopital, assise sur un banc.

Un infirmier m'a proposé une cigarette.

Je me suis rappelée ma promesse et j'ai secoué la tête.

Il n'a pas insisté. Il savait y faire avec les âmes brisées, il devait en voir tous les jours.

Tu m'as dit que tu avais peur de la mort.

Tu t'es transformée en petite fille fragile.

Plus rien de la femme que j'avais aimé.

Plus rien de l'éclat de joie qui brillait dans ton oeil gauche et de l'éclat intelligent qui brillait dans ton oeil droit.

Putain Nina, j'aimerais dire que t'as été forte jusqu'au bout mais ce serait un énorme mensonge.

Et t'es morte.

Brutalement.

Un jour, t'es morte.

J'étais même pas là pour te dire au revoir.

Quelqu'un m'a demandé si tu voulais qu'on te réanime.

Tu m'avais supplié de te laisser mourir la première fois, parce que ce serait trop éprouvant de revivre à nouveau la douleur de me laisser seule.

Incapable de parler, j'ai secoué la tête.

La douleur était folle putain !

Je suis retournée sur le banc.

L'infirmier m'a proposé une cigarette.

Je l'ai prise, je l'ai allumée et j'en ai tiré une taffe. C'était dégueulasse, ça puait, et je savais à quel point c'était cher. Et je savais que ça tuait. Mais j'avais peur, et mal. Et après j'ai eu un peu moins peur et un peu moins mal.

Ce jour là, j'étais ankylosée de l'intérieur. T'étais morte comme ça. Un jour tu pleurais encore dans mes bras, maigre et fragile, et le lendemain tu n'existais plus. T'étais morte. Tu avais rejoins les étoiles. Tu avais quitté un monde auquel tu n'avais pas voulu t'attacher. Ce jour là, tu t'étais évaporée, tu avais quitté une femme qui souffrait le martyre de ta mort. Ce jour là, j'ai écrasé mon premier mégot.

CigaretteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant