Chapitre 4 : La maison dans la prairie

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Après s'être levé, l'étrange vieil homme – ce dénommé No – quitta le restaurant en passant par derrière, tout en faisant signe au groupe nouvellement formé de le suivre, ce que ce dernier s'empress ade faire, à l'exception de Kalen, qui resta figé quelques instants.

Malgré son « engagement », il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il faisait une erreur. Il sentait, autour de lui, la présence de ses poursuivants – ces types de Black Hole dont No avait parlé. Pourquoi ne pas tout simplement aller les voir et régler définitivement le problème ? Il en mourrait d'envie. Surtout s'ils étaient aussi balèzes.

Vingt-et-un, c'était insuffisant. Impressionnant, pour quelqu'un de son âge, bien sûr, mais, si on le comparait à son père, Karl, c'était un nombre insignifiant. Ce n'était pas que Kalen aimait tuer – en vérité cet acte ne lui inspirait plus rien de particulier depuis longtemps – mais c'était le seul moyen de se tailler une place chez les siens. Et, quand il avait pris connaissance de son incroyable talent pour l'assassinat, la première chose qui lui était venue à l'esprit fut : « je vais devenir le meilleur ». Depuis ce jour, il y a deux ans de cela, il s'était juré de dépasser son père, et tous ses prédécesseurs. Et il savait que pour ce faire, il lui faudrait plus que quelques têtes de bandits et d'hors-la-loi. Un mage ? Voilà quelque chose qu'il n'avait jamais chassé.

Si Kalen n'avait aucune affection pour le meurtre, il aimait en revanche le défi. C'était peut-être ça, la seule et unique raison qui l'avait poussé à accepter la proposition de ce vieillard et à le suivre : le fait qu'il soit incapable d'appréhender son niveau.

En tant qu'assassin, analyser sa cible était une priorité. Kalen s'était déjà prêté à cet exercice une bonne centaine de fois, en circonstances réelles comme à l'entraînement, et c'était presque sa spécialité. Sans jamais avoir vu son père se battre sérieusement, il avait déjà pleinement pris conscience du gouffre qu'il y avait entre eux. Un gouffre qu'il jaugeait aussi grand que celui entre lui et les « gamins » autour de lui. Certains, comme ce Almaz, ne s'étaient même sans doute jamais battus. Une vaste blague.

Mais, quand Kalen regardait ce « No », il ne sentait rien. Certes, il avait l'air d'être un combattant endurci : son corps athlétique était couvert de cicatrices, et l'on devinait aisément qu'il y en avait d'autres, peut-être encore plus profondes, sous ses vêtements. Il n'avait aucun point faible, aucune faille dans sa garde, tout simplement car il n'en avait pas, ce qui était soit la preuve d'un extrême amateurisme, soit, à l'inverse, d'une très grande – excessive ? - confiance en ses capacités. Kalen était quasi sûr que c'était le deuxième cas de figure, et en était venu, au bout de quelques minutes d'observation, à table, à cette conclusion : ce type était un guerrier.

Mais c'était tout. Il n'y avait aucune aura particulière qui se dégageait de lui, contrairement aux aînés de Kalen, tous les membres hauts-gradés du clan, et, surtout, son propre père, encore. Le jeune blondinet en déduisit donc qu'il était plus faible qu'eux. Si c'était le cas venait alors  une seconde question : était-il plus fort que lui, Kalen Jagger ?

Cette question-là demeurait sans réponse. Pour l'instant. En le suivant, Kalen savait qu'il pourrait l'observer davantage, le voir à l'œuvre peut-être, contre ces tarés de Black Hole. Et, en fonction de la réponse, il resterait ou non avec lui. Car, si ce No s'avérait être une déception de plus, il était hors de question pour lui de s'attarder avec de tels bouffons.

C'est pourquoi il souhaitait se garder un maximum de toute discussion avec eux. Un exemple que semblait suivre le type à côté de lui, Roans, ou quelque chose comme ça. Il était le seul qui attisait un minimum son intérêt. Mais, bien sûr, pas assez pour qu'il lui consacre ne serait-ce qu'une seconde de son « précieux » temps.

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