Chapitre 1 : Et tout commença ainsi...

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Trafalguar Square. Londres. Angleterre.

Le jeune homme essuie son front du dos de sa main et pousse un long soupir. En ce mois de juillet de l'année 539, les températures ne cessent de grimper. A bientôt midi, le soleil abreuve de ses rayons la foule au-dessus de laquelle il trône, dans un ciel bleu azur dépourvu du moindre nuage.

Notre cher inconnu se demande alors ce qu'il fait là, quelle folle insouciance l'a poussé à faire tant de chemin pour une affaire si triviale. En vérité, il avait même longuement hésité avant de se déplacer, mais, comme à son habitude, il avait tranché ainsi : mieux valait faire que ne pas faire. Au moins, de cette façon, il n'aurait aucun regrets. Et les regrets, voilà quelque chose qu'il abhorrait.

Il plongea sa main dans la poche gauche de son pantalon, qui était aussi noir que son gilet – quel idiot avait-il été d'en prendre un dans la précipitation – ce qui n'arrangeait rien à ses problèmes de transpiration. Il ne retira sa main qu'une fois avoir attrapé une cigarette entre ses doigts, qu'il porta à sa bouche avant de l'allumer avec le zippo qu'il tenait dans l'autre main.

Dix-sept ans, c'était jeune, pour fumer. Mais il était loin d'être le seul à s'être adonné à ce « passe-temps » : autour de lui, nombre de passants faisaient de même. En vérité, le jeune homme tenait cette addiction de son père, qui lui-même la tenait du sien, et probablement ainsi de suite.

Il inspira quelques instants, puis, lentement, recracha la fumée en regardant autour de lui. Il y avait du monde, autour de la fontaine devant laquelle il se trouvait, mais, tout comme lui, ils semblaient majoritairement être des touristes, parlant dans une multitude de langues – dont le français, qu'il parlait couramment depuis bientôt cinq ans. Il fit quelques pas autour du bel édifice, en profitant même pour se passer un peu d'eau sur le visage, mais ne trouva rien. Personne ne venait le chercher, ni ne lui lançait un regard en biais l'invitant à s'approcher. Avait-il été trompé ?

Fort heureusement, il n'était pas du genre à s'énerver, et cette mauvaise surprise n'eut aucun effet sur lui. Tout au plus, en imaginant l'absurdité de la situation d'un point de vue extérieur,ses lèvres se fendirent d'un sourire, révélant une dentition parfaitement blanche. Après avoir tiré une dernière fois sur son bout de tabac, il jeta son mégot par terre et l'écrasa du pied, avant de passer une main dans ses cheveux châtains, mal ordonnés, révélant un peu plus son visage. Il n'était pas laid, ni particulièrement beau non plus, mais, en revanche, il dégageait une certaine sympathie, peut-être en raison de son aspect rond, un nez légèrement plus long que la moyenne et des sourcils naturellement peu froncés. A cela venait s'ajouter une légère barbe, que l'on devinait en pleine croissance, ce qui n'avait rien d'extraordinaire vu son âge.

Mais il se démarquait par sa taille : un mètre quatre-vingt quatre, alors même qu'il n'avait pas fini de grandir. Il dépassait ainsi des hommes bien plus vieux que lui, parfois d'une bonne tête. Cette taille anormale était due à ses deux jambes, grandes et effilées, en adéquation avec ses bras. De manière générale, il ne semblait pas très musclé, mais, grâce à sa taille imposante, il arrivait quand même à éviter les ennuis, quand même son magnifique sourire n'y pouvait rien...La plupart du temps du moins.

Une nouvelle fois, il plongea sa main dans sa poche, mais, cette fois-ci, la droite. Il en sortit un papier froissé, qu'il se dépêcha de déplier. Une lettre, dans un piteux état, l'encre ayant fuité et déformant certains mots. Notre jeune homme ne put s'empêcher de maudire sa maladresse, la cause directe de l'état de la lettre, trempée. Il se pencha pour déchiffrer ce qui était déchiffrable. Heureusement, c'était encore globalement assez lisible, et il avait en tête le message.

Trafalgar Square, à la fontaine, à midi. Il était au bon endroit, pourtant. Mais personne, contrairement à ce qui avait été dit dans la lettre. Il regarda sa montre à gousset, et, entendit, presque au même moment, retentir les coups de cloches. Midi pile.

Il se mit à réfléchir, chose assez inhabituelle chez lui, plutôt sanguin et du genre à réagir aux événements plutôt qu'à provoquer ces derniers. Que faire, dans cette situation ? Devait-il attendre encore quelques heures, ou chercher aux alentours ? Peut-être devait-il carrément tourner les talons et repartir ? Il n'avait aucune envie particulière de rester à Londres. Bien qu'il soit né ici, cette ville ne lui inspirait rien d'autres que des mauvais souvenirs. Il lui préférait de loin Montpellier.

Alors qu'il s'interrogeait sur la marche à suivre, une voix l'interpella, dans son dos.

- Jack Swift ?

L'intéressé  se retourna, et, sursautant, dévisagea son interlocuteur quelques secondes. Un homme, d'une trentaine d'années, avec des cheveux bruns mi-longs lui atteignant le milieu du dos. Il avait un visage dur, sérieux, mais distant, aux traits presque géométriques et au menton pointu aussi pointu que son nez. Jack comprit rapidement que ce n'était pas celui qui lui avait écrit. Peut-être n'était-il pas réputé pour ses capacités intellectuelles, et passait même souvent pour un idiot auprès de ses connaissances, mais ce n'en était pas un pour autant, loin de là. Aussi, en dépit du rire nerveux qui lui prit juste après son sursaut, il resta sur ses gardes, et sentit, presque instinctivement, ses bras se raidir, au cas où.

- Oui, c'est moi, dit-il en souriant et en se grattant l'arrière de la tête, comme pour exprimer sa gêne de s'être ainsi ridiculisé.

- Vous êtes en retard, lui répondit l'autre, d'une voix dénuée d'émotions, en posant un bras sur sa hanche. Maître No commençait à se demander si vous viendriez.

- No ?L'interrogea Jack, avant de se souvenir que la lettre avait été signée avec ce nom.

- L'homme qui va vous sauver la vie. Retenez bien son nom.

- Ça risque de pas être compliqué, blagua Jack, pour contraster avec la gravité des paroles de son interlocuteur, qui l'avaient surprises.

Ce dernier n'eut aucune réaction, et ne sourcilla même pas. En revanche, il jeta un regard méfiant aux alentours, comme s'il cherchait quelque chose – ou quelqu'un. Jack, le voyant faire, se mit à l'imiter, sans vraiment comprendre. Il fut ramené à la réalité par la main de son comparse, qui la lui posa sur l'épaule et lui fit un léger hochement de tête.

- Nous sommes peut-être observés, lui dit-il en baissant la voix. Venez avec moi. Je vais vous mener à Maître No.

Jack voulut répondre, mais il lui fit signe de se taire, en plaçant un doigt sur sa bouche, avant de faire demi-tour et de partir dans une direction inconnue. Jack attendit quelques instants, puis, en voyant qu'il avançait d'un pas rapide et assuré, sans même prendre la peine de se retourner, le suivit en accélérant. Et, alors qu'il faisait son possible pour ne pas le perdre de vue dans la foule, une question lui traversa l'esprit.

Dans quelle drôle d'histoire s'engageait-il ?

Royaume de MagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant