Le ciré jaune

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Mes pieds carressèrent le parquet frais de ma chambre. J'avançais lentement pour ne pas tomber. La tête me tournait et je ne me sentais pas très bien. J'étais sujette à des crises d'angoisse régulières et j'avais actuellement peur. C'était le sentiment qui m'envahissait à ce moment là. J'avais peur de l'inconnu, d'une première fois comme on en connaissait tant d'autres et qu'il ne suffirait pas d'une vie pour en vivre. J'avais cherché une étoile filante avant de me coucher, en vain. Dieu sait combien je croyais aux étoiles et trouver une étoile filante pouvait sans aucun doute me donner confiance. Malgré mes doutes et mon esprit embrouillé je m'habillais en vitesse puis jetais mon sac à dos sur l'épaule droite. Je me dirigeai d'un pas léger vers la cuisine pour récupérer de la nourriture. Je refis en quelques secondes la liste des affaires que j'avais récupérées. Le compte y était, j'étais presque prête. Il me fallait juste récupérer la veste que j'aimais tant et trouver l'emplacement adéquat pour déposer le morceau de papier destiné à maman. Je marchais jusqu'à la console blanche et ouvris de nouveau le premier tiroir contenant désormais un fragment de feuille blanche. Ma main gauche tourna la clé dans la serrure, je pressa la poignée avec ma main droite et un ciré jaune au bras.

Il faisait encore sombre dehors, le jour ne s'était pas encore levé mais on pouvait tout de même deviner un ciel couvert. Il allait bientôt pleuvoir. Je refermais sans doute pour la dernière fois d'un tour de clé la porte de chez moi.

J'adorais mon ciré jaune. Il m'était surtout très utile en cet instant pluvieux. Ce ciré me rappelait d'où je venais et la destination visée. J'allais enfin rentrer chez moi là où je m'épanouirai plus paisiblement et entourée de la mer bleue, reflet du ciel qui n'avait d'autre endroit où se mirer. J'allais vivre dans ma campagne, surtout qu'ici les gens étaient en général plus simples et moins superficiels que près de la capitale française. Par chance j'avais pensé à prendre deux paires de chaussures de rechange dans mon sac à dos. J'avais déjà bien avancé depuis ces cinq heures de marche agrémentées de petites pauses pour ne pas trop m'épuiser. J'espérais pouvoir tenir jusqu'à la fin de mon voyage et qu'on ne me retrouve pas avant. Je m'arrêta pour m'asseoir sous un abri-bus. Un jeune homme avec une casquette à l'envers semblait attendre son bus et, sans surprise, ne me remarqua pas ayant les yeux rivés sur son smartphone tout en fumant une cigarette. Je pouvais ainsi éviter de me faire repérer, j'avais déjà rabattu ma capuche sur ma tête pour ne pas me faire tremper. Je ne la retirais pas bien qu'étant protégée. Je pus poser mon sac à côté de moi lorsque le bus arriva enfin pour engloutir un nouveau passager. Je fouillais à l'intérieur afin de trouver quelque chose à manger car j'avais faim. Ne devant cependant pas épuiser mes réserves trop rapidement je choisit de ne me nourrir que d'une barre de céréales au chocolat. Un papier tomba lentement sur le sol. C'était un ticket de bus que le jeune avait dû oublier plus tôt. Je le ramassait et le gardait pour plus tard en cas de besoin.

Il faisait bien froid pour un début de mois de mars. Ce n'était pas encore le printemps malheureusement. J'adorais le printemps, c'était ma saison préférée. D'abord parce qu'on assistait au réveil des fleurs, c'était le réveil de la nature. Ensuite parce que j'avais toujours espoir que les gens ouvrent les yeux en même temps que les plantes. Qu'ils découvrent que leur petite vie bien rangée n'était pas si intéréssante qu'il n'y paraissait. Métro, boulot, dodo comme on disait. J'espérais un bouleversement de la société et des mentalités. Je ne voulais pas vivre comme ça, pas ici.

Le chemin sur lequel je m'engageais était boueux, ce qui ne me dérangea pas le moins du monde. Pour une fille de la campagne comme moi c'était tout à fait normal. Je consultais ma montre. A l'heure qu'il était, ma mère devait déjà être levée. Je n'avais pas choisi ce jour là pour fuir au hasard. Ce week-end, ma mère devait se lever à cinq heures du matin. Elle devait partir bien en avance pour se rendre à six cent kilomètres d'ici. Je savais bien que ma mère était si fatiguée à cette heure-ci qu'elle ne rentrait pas me voir dans ma chambre.

Un jour peut-êtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant