3. Home, sweet home

7 2 0
                                    


-Qu'est-ce que tu faisais ? Je t'ai attendue des plombs !

Je reprends mon souffle et tente de bricoler une excuse à ma mère :

-Je suis partie boire un café...

Elle fronce les sourcils :

-Tu sais ce que je pense de ça...

-Je sais.

Elle soupire et nous nous dirigeons vers l'ascenseur, pour partir de cet hôpital. Arrivées en bas, ma mère me donne les clés et me lance un sourire désolé:

-Je dors chez Éric, cette semaine.

Je retiens un soupir, fourre les clés dans mon sac et fonce vers mon vélo. J'ai besoin des p'tits.

Je passe la porte et aussitôt, un tourbillon roux me fonce dessus. Je laisse Mélanie manquer de m'étouffer, puis se camper devant moi et crier:

-J'vais péter sa gueule à Yann!

Je me retiens de soupirer en lançant un regard au sommet de tête brun qui dépasse du vieux canapé vert défoncé. Je souris à Mélanie:

-Calme-toi, Mel. Tu sais qu'il fait ça pour te pousser à bout.

Elle soupire, me tourne le dos et fonce vers la cuisine. Je pose mon sac orange, embrasse la petite tête blonde de Louise, pince la joue rose de Nathan et me dirige vers le canapé:

-Yann, tu en as jamais marre d'emmerder ta sœur?

-Langage, lance la voix enfantine de Louise.

Je me dirige vers la chambre de ma mère en embrassant Louise au passage, évite un piaf fou, monte les marches quatre à quatre. Arrivée en haut, je sors les clés dûment méritées et ouvre la porte. Quelques autres oiseaux s'enfuient. Je ramasse mes deux trois affaires, mes cahiers, trousses, fourre tout dans mon sac et descends l'escalier. Je largue mon sac près du canapé et pousse les croquis de Yann. L'anarchie règne dans l'appartement. Évidemment, en tant qu'aînée, c'est à moi de ranger, j'imagine. Je ramasse les croquis de Yann, les empile, ramasse les petits pots de nourriture verdâtre de Nathan, ramasse les assiettes sales de ce midi. Je ramasse les pétards et dynamite artisanale de Mélanie, enferme quelques oiseaux dans leurs cages sous le regard réprobateur de Louise. Je classe, je range. J'aide ensuite Mélanie à cuisiner sa sauce curry. Quel genre de grande sœur laisse sa propre sœur d'à peine 12 ans s'occuper du reste de la fratrie en son absence? Je fronce les sourcils. Ce n'est pas moi qui ne dort quasiment jamais chez moi.

Je vous présente. Moi, et ma petite famille. Ma maman. Ma chère petite maman. Elle aime les enfants. Mais elle ne peut pas en faire. Alors elle adopte. Moi d'abord, quand elle avait à peine 18 ans. Puis Mélanie et Yann, des jumeaux, 5 ans plus tard. Puis Louise, 4 ans après. Puis Nathan, y a à peine un an. Mais elle reste jamais longtemps élever ses gosses. C'est moi qui gère. Quatre gosses. Chacun sa lubie. Et ses troubles. Parce que oui, ces gamins sont troublés. Mais on a pas le choix. Quand j'en ai ras-le-bol, je monte dans ma tour. Je quitte le canapé dépliable à l'infini des p'tits, et je vais me reclure dans la chambre initialement destinée à ma mère. Chambre qui ferme à clé. Ma mère ne se pose pas souvent. Comme une des hirondelles de Louise, elle se pose parfois ici, puis elle repart vers un de ces amants.

LuceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant