4. Réfléxions

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Je me laisse tomber sur ma chaise. Premier cours de la journée. Je sors mon cahier et commence à griffonner sur la page de garde, entre les étoiles, les chibis, formes et autres croquis. Mon petit prof dénué d'autorité s'avance et commence son cours inintéressant. Je repense aux drôles d'êtres d'hier. Je fronce les sourcils. C'est bizarre, je déteste l'hôpital, cet enfer avec son atmosphère, ses odeurs, tout ce qui fait que c'est un hôpital. Je hais les infirmières, les patients et les standardistes. Je hais les boutiques de fleurs déprimantes, je hais les ascenseurs assez grands pour accueillir des brancards, je hais l'odeur persistante de désinfectant, les Croc's des médecins, je déteste le blanc des murs. Je déteste les salles transparentes, je déteste les pancartes, et les brancards qui traînent dans les couloirs, que je déteste, déteste, déteste. Mais hier... Quelques instants, tout a été différent. Au milieu des jeunes les plus malades du monde, dans une salle de classe miteuse. J'ai vu autre chose que leurs maladies persistantes. Autre chose que ce qu'on voit habituellement. Je n'ai pas été gênée par le fauteuil roulant, par l'aspect squelettique. La maladie imminente m'a semblé simplement une formalité. Je me suis sentie bizarre. Bizarrement à ma place, en fait. Au milieu des malades, les sains sont rois.

Quand me vient une inspiration soudaine. Je commence à les dessiner. Eux. Mes malades. Je tourne une page entièrement vierge et dessine les esquisses. Une chaise, une silhouette fine et allongée, un grand gaillard, et un autre. Leurs traits de malades se dessinent sous mes yeux, tout devient limpide. Quand la cloche sonne, je suis réveillée d'un drôle de rêve. Je réalise brusquement que je meurs d'envie de retourner en enfer. Pour voir ses démons.

Quand je gare mon vieux Peugeot sur l'aire prévue à cet effet, je ne comprends même pas ce que je fais là. Qu'est-ce qui m'a poussée à retourné en enfer, sans y être contrainte. Je m'avance vers les portes. Et si ces drôles de malades étaient la clé? Je recule d'un pas. N'importe quoi. Pourquoi je fais une fixette sur ces gens? Ils m'ont sans doute déjà oubliée. Je secoue la tête, enfourche mon vélo et m'éloigne. Je décide en même temps qu'il est hors de question que je revois ces démons.

LuceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant