Personne ne la voyait, elle ne voyait personne. Marchant dans cette rue qu'elle arpentait tous les jours, cachée sous sa lourde capuche de jute sale qui se terminait en une longue cape foncée, elle se faisait bousculer. Un coup d'épaule, de coude, de hanche. Les frappes fusaient mais elle n'y prêtait pas attention. Elle était bien trop concentrée sur son objectif : atteindre la fontaine. Encore quelques pas et c'en serait fini de cette course effrénée à travers la foule irrespectueuse. La fille ne prenait même pas la peine de s'excuser. Pourquoi le ferait-elle ? Personne ne faisait attention à sa silhouette noire slalomant à toute vitesse.
Elle était focalisée sur autre chose désormais. Son allure soudain ralentie faisait l'objet d'un décompte extrêmement précis. Plus que trois pas...deux...un... Elle y était enfin.
La fontaine. Ce mot résonnait en elle depuis sa plus tendre enfance et elle attachait beaucoup d'importance à ce simple réservoir d'eau aussi délabré que le reste du quartier. N'étant jamais entretenue, de la mousse perlait aux embouts des fuites d'eau, la roche des statues centrales s'effritait et la crasse avait rempli les creux des visages délicatement sculptés des anges. Le temps avait abîmé cette construction humaine, symbole de personnages du paradis.
Attirée comme un aimant, elle tâtonna doucement le rebord en marbre blanc strié de noir, seule matière plus ou moins précieuse de la place principale où résidait la fontaine. Avec une grâce insoupçonnée, la jeune fille s'assit. Et tout ce qu'il l'intéressait, c'était ce liquide stagnant. Elle le trouvait fascinant.
Usant de son toucher expert, sa main creusa l'eau avec la légèreté d'une plume. Dessinant avec sa paume de larges cercles, elle inspira profondément. Elle profita quelques instants de ce contact si agréable, et laissa poindre un franc sourire dissimulé par le tissu. Alors qu'elle commençait enfin à se détendre, elle estima qu'il était l'heure. Alors elle glissa ses doigts mouillés sur sa nuque et se leva.
Il était temps de rentrer et d'affronter à nouveau la dure réalité. Car ce moment d'allégresse se devait malheureusement d'être de courte durée. Elle avait le devoir de rentrer au plus vite ou bien elle paierait cher son retard. Perdant son magnifique sourire, elle mit son habituel masque de neutralité et fit le chemin inverse.
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Aveugle
General Fiction- Réflexion personnelle - : "Ecrire un roman du point de VUE d'une aveugle ? Pourquoi pas..." Cécilia est née aveugle et cela ne l'a jamais dérangée. Jusqu'au jour où son corps change. Ayant l'incapacité de voir sa propre enveloppe charnelle, elle n...