XVII. Désillusion

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En attendant Camille, je suis sorti prendre l'air, le temps d'une heure ou deux. Ce n'est pas comme si je connaissais le bord de mer par cœur à force de le parcourir de long en large et en travers, mais quelque part, je n'avais rien d'autre à faire que d'attendre.

L'attendre, elle.

Devant moi, il y avait un couple qui jouait. Qui se chamaillait. Y'en avait un autre à côté allongé sur une serviette à se rouler des galoches.

Pitié, pas devant tout le monde.

"- Oh bibiche ! Ce soir toi et moi...."

Bibiche ? Sérieusement ?

Ce genre de petits surnoms stupides, voire carrément débiles, me fait me demander s'il n'est pas normal qu'on considère l'amour comme quelque chose de "niais".

Je devrais essayer sur Camille, juste pour voir sa réaction. Sauvage comme elle est, elle m'en mettrait certainement une, et je l'aurai mériterait, mais le jeu en vaut la chandelle.

Camille.

Ses paroles, ses mots, me troublent encore. J'ai beau essayer d'y faire abstraction que je ne comprends pas encore pourquoi elle m'a dit ça, ni comment on en est arrivés à s'envoyer en l'air elle et moi. C'était plus que plaisant et pour une fois, j'ai presque été euphorique pendant un long moment, assez longtemps du moins pour oublier Hortense et tout ce qui l'entourait.

Puis, le rêve, telle une bulle volatile, a éclaté.

Camille est partie et j'ai encore mille et une questions dans ma tête. Des questions auxquelles je ne trouve pas les réponses et je déteste ça. Ne pas savoir. Rester dans le doute. Dans l'incompréhension. Dans l'hésitation.

Était-ce juste pour "une fois" ou allait-on développer quelque chose autour de ça ?

Je ne sais pas.

J'ai peur de m'aventurer dans des eaux encore plus troubles que celles dans lesquelles je nageais jusqu'à présent.

Et je n'aime pas ça.

En quittant la plage, j'ai pris inconsciemment la direction du café dans lequel elle travaille. Enfin, "inconsciemment", je présume que je me suis mis en pilote automatique et que mon corps tout entier a réagi par instinct.

"- Camille la table 3 attends sa commande !

- Voilà, j'arrive !"

Elle est là. En terrasse et je ne peux m'empêcher de rester caché dans l'angle du bâtiment, l'observant.

Dans le monde, il existe deux catégories de femmes : Les belles femmes et les femmes fortes. Sans aucun doute, elle rentre dans la seconde catégorie.

Elle n'est pas spécialement jolie avec sa frange qui lui couvre presque tout le visage, ses yeux trop petits pour être clairement perceptibles et ce nez courbé.

Pourtant, Camille transpire quelque chose de particulier. Quelque chose de magique comme une aura indescriptible. Le genre de chose qui vous attire indéniablement à elle comme un aimant. Le genre de petit "truc" qui vous fait vous questionner sur cette fille et son existence même.

Elle botte les fesses des mecs trop lourds.

Elle sauve les petits fragiles, comme moi, de situations improbables.

Elle mène une vie presque trop incroyable pour être jugée banale.

Elle en a vu des vertes et des pas mûres, c'est sûr.

Alors oui, naturellement, la voyant s'affairer en terrasse, servant chaque client avec le sourire tandis que moi, j'ai eu le droit à l'air sévère d'entrée de jeu, je trouve ça fascinant. C'est comme si elle endossait un rôle et ça me fait rire. La "gentille" Camille. La petite serveuse du coin que tout le village aime.

Soudain, elle entre à l'intérieur du café et disparaît de mon champ de vision. Tant pis. Je n'ai plus qu'à attendre qu'elle revienne. Je crois que je pourrais passer ma journée à la regarder.

"- Tu comptes m'observer longtemps comme ça?"

Sursautant tandis qu'elle apparaît derrière moi, poings sur les hanches, je me retourne vers elle, gêné. Je me sens comme un gamin ayant été pris en flagrant délit de vol de sucette.

"- Qu'est-ce que tu fais là Camille ?

- Je suis venu te voir. Et puis comment as-tu que j'étais là ?

- J'ai des yeux derrière la tête, qu'est-ce que tu crois ? Bon, qu'est-ce qu'il y a ?

- J'aimerais que l'on discute toi et moi.

- De quoi ?

- Tu sais très bien de quoi."

J'ai envie de savoir. De savoir pourquoi on a fait ça. Pourquoi on s'est laissé aller comme ça.

"- Je n'ai pas le temps.

- Camille !"

Je la retiens par le poignet alors qu'elle se libère de ma poigne en un quart de seconde même pas.

"- Écoute, ce qu'il s'est passé...Tu devrais l'oublier. Toi et moi, ce n'est pas possible. On n'aurait pas dû, ok ?

- Je trouve ça un peu gros alors que c'est toi qui es venu me murmurer des mots doux. C'est toi qui es venu me trouver.

- Tu voulais que je fasse quoi, hein ? Dis-moi.

- Je ne t'ai jamais rien demandé. Tu aurais dû...

- Te laisser là ? Parfait. Je ne me mêlerais plus de ta vie."

Sa réaction me paraît excessive et je ne comprends pas pourquoi. Alors que la mer était enfin calme de mon côté, voilà qu'elle s'agite à nouveau en moi.

Indirectement, la tempête sévi et je ne sais pas ce que j'ai fait pour m'attirer à ce point là les foudres de Dame Nature.

"- Écoute, j'ai du travail, faut vraiment que j'y retourne. Tu devrais rentrer chez toi.

- Ce n'est pas comme si j'avais l'intention de m'attarder tout compte fait."

Je ne comprends pas.

Qu'est-ce que j'ai fait de mal ?

Camille + CamilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant