XXII. Savoir prendre des chemins différents

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Pour nous donner une once de courage, Camille et moi avons passé une sorte de marché malsain. Elle allait regarder les offres d'emploi et moi les facs et de temps en temps, quand on trouvait quelque chose, on s'échangeait nos ordinateurs pour voir.

"- Et ça ? T'en penses quoi ? Le campus est sympa non ?

- C'est vrai, mais la ville est pourrie. J'ai pas envie d'étudier dans un endroit où il pleut 364 jours par an. Moi j'ai trouvé cette proposition pour toi, tiens regarde."

Je jette un œil à la description du poste et aux qualités requises ainsi qu'aux attentes.

"- Ce n'est pas pour moi. Ils demandent de savoir travailler en équipe. J'ai horreur de ça ! Depuis petit je préfère faire mes exposés tout seul comme un grand. Passe."

Ce n'est pas non plus comme s'il pleuvait des postes à pourvoir et des facs avec une option en art. On se trouve juste un prétexte mutuel pour dire "non" à absolument toutes nos chances parce qu'on sait très bien qu'à partir du moment où l'un de nous allait trouver quelque chose, l'autre allait se retrouver tout seul.

"- Ce n'est pas sérieux ce que l'on fait.

- Non, ça ne l'est pas.

- Après tout on s'était mis d'accord.

- Tout à fait.

- Il faut que l'on retrouve nos vies.

- Exactement ! C'est ce que je pensais.

- Tu as fini oui ? Tu ne m'aides pas là."

Normal, je ne souhaite pas être aidant. Si ça ne tenait qu'à moi, je ferais un élevage de palourde sur cette plage et Camille travaillerait à temps complet au café. Ça serait chouette. Le cadre est sympa et je me sens ici comme dans une seconde maison.

"- Bon, qu'est-ce que l'on fait ?

- Je n'en sais rien. Tu crois qu'il faut être qualifié pour être éleveur de coquillages ?

- Camille !

- Je demandais, c'est tout."

N'empêche, en y réfléchissant bien, ça ferait un excellent titre dans les nouvelles du jour : "Il abandonne une carrière prometteuse pour être éleveur de coquillages. Son portrait en page 6"

"- Sinon, on peut y réfléchir plus tard et on pourrait profiter de la journée...Juste tous les deux.

- Tu sais ce que l'on dit ? Ne jamais remettre à demain ce que l'on peut faire le jour même. Et puis je te connais toi et ton "plus tard". Et hors de question que l'on passe la journée à faire l'amour !

- Pourquoi pas ? C'est une excellente activité, tu sais ?

- Quand on dit que le cerveau des hommes est entre leurs jambes...Ce n'est pas croyable.

- On n'est pas tous comme ça ! Et puis tout ça, c'est de ta faute.

- De ma faute ? Je n'ai rien fait ni dit qui pourrait suggérer que...

- Qui t'as demandé de porter une robe turquoise légèrement transparente ? Un short et un tee-shirt c'était trop ?

- Je ne vais pas changer ma façon de m'habiller pour toi ! Apprends donc à contrôler tes pulsions.

- Tu ne viendras pas te plaindre si je te l'arrache.

- Ah non hein ! C'est ma robe préférée !

- Tu n'as pas une seconde robe préférée par hasard ?

- Camille ? C'est non."

Je resterais donc un homme malheureux et insatisfait et totalement...frustré.

"- Et ne prends pas ton air de petit garçon boudeur.

- Je ne boude pas.

- Ah non ? Donc c'est quoi cette tête au juste ?

- C'est ma tête de gars qui a envie de crêpes tiens ! Je vais me faire des crêpes ! Tu veux des crêpes ? C'est tellement plus simple de faire des crêpes que de faire l'amour ! Vive les crêpes !

- Mon pauvre Camille..."

Oui je boude comme un pré-ado qui viendrait de prendre son premier râteau, et alors ? Laissez-moi bouder ! Peut-on m'en vouloir de souhaiter profiter de sa présence un peu plus ? Je passe mon temps à jouer au compte à rebours à me demander quand est-ce qu'elle partira de ce coin paumé ? Quand est-ce qu'elle me laissera une vieille lettre pourrie avec écrit dessus "Je suis partie" et je passerais alors ma soirée à pleurer et...

"- Si tu ne fais pas attention, tu vas mettre la coquille d'œuf en plus dans le saladier.

- Tu sais quoi ? Va te faire cuire un œuf tiens ! Moi, je vais me faire quelques longueurs."

Je jette le saladier dans l'évier et quitte le chalet en claquant la porte.

Au fond, je devrais la laisser partir au lieu de m'accrocher à elle. Ce ne serait pas la première femme à me quitter. Je m'en fiche. Y'a plein de femmes dans le monde ! Je prendrais la première qui passe aussi tiens !

Non...Il n'y a aucune autre comme elle.

Camille elle reste assez exceptionnelle pour moi.

Camille + CamilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant