➰Epilogue➰

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Bruxelles
Quatre ans plus tard

-Ella ! La lettre est arrivée, s'écrie mon père.

À l'entente de ces mots, je me raidis instantanément. Le grand moment est enfin venu. Cela fait exactement cinq jours qu'un sentiment d'impatience et de crainte m'envahit à chaque fois que je relève le courrier. Aujourd'hui, mon père s'en est chargé, mais je me rends compte que  la nouvelle qu'il m'apporte me tétanise. Je vais enfin savoir si tous mes efforts ont été vains ou non.

Je me dirige vers le salon et tombe nez à nez avec Papa. Il arbore un grand sourire et agite une enveloppe blanche. Ayant entendu la nouvelle, ma petite soeur ne tarde pas à nous rejoindre en trottinant.

Bien qu' âgée de neuf ans maintenant, j'ai l'impression qu'elle n'a pas changé d'un pouce ces dernières années. Elle doit avoir pris une vingtaine de centimètres certes, mais elle garde toujours ce même sourire enfantin garni de jolies petites dents de travers, allant de paire avec ses cheveux bouclés et mal coiffés.

Lorsque nous sommes rentrés de Grèce, l'avenir de Papa avait beau être voilé de sombres incertitudes, il était sûr d'une chose : Manon était sa fille depuis toujours et elle le resterait. Il continuerait à l'aimer et à l'élever comme telle, et ce quoi qu'il en coûte. Mais cela ne s'était pas avéré difficile. William ne semblait pas vouloir revendiquer sa paternité et Virginie devait être rassurée de savoir que sa fille aurait un bon père. Du point de vue légal et administratif, Papa était le parent de Manon depuis le jour où il l'avait reconnue. Cela ne posait donc aucun problème.

Alors que, hébétée, je fixe mon paternel, cette dernière s'avance et nous demande :

-C'est la lettre de l'école ? Tu vas enfin savoir si tu es acceptée ?

J'acquiesce. La prestigieuse école de journalisme de Paris. Second meilleur établissement de France et d'un niveau bien supérieur à ceux que l'on trouve en Belgique. Maintenant que j'ai achevé ma licence de trois ans en sciences politiques, je vais enfin savoir si j'ai réussi le concours d'entrée me permettant de débuter les cours. Après ces années de travail acharné, il s'agit d'un véritable accomplissement pour moi. C'en est même devenu un rêve. Un rêve sur le point de se réaliser. Voilà pourquoi j'appréhende tant de savoir quelle nouvelle va m'apporter cette enveloppe. Parce qu'en cas d'échec, je n'ai prévu aucun plan de secours.

-Bon, tu l'ouvres ? me presse mon père, visiblement tout excité.

-J'ose pas, fais-le toi.

Alors qu'il commence à déchirer le papier, je lui arrache la lettre.

Il est temps que tu prennes ton courage à deux mains, ma vieille.

Je sors la feuille et la déplie avant de commencer à en lire le contenu. D'abord quelques formules de politesse, ensuite on me replace dans le contexte et finalement les mots que je redoutais tant. Je relis la phrase. Cligne des yeux. Une fois.  Deux fois. Trois fois. Ensuite, je m'exclame :

-Je... J'ai réussi. Je suis prise ! Je vais intégrer l'école !

J'explose littéralement de joie et commence à sauter partout dans la pièce. Manon se joint à moi en poussant des petits cris de victoire. Nous faisons craquer le vieux parquet de notre immeuble –bientôt centenaire– à l'unisson. Mon père me prend dans ses bras et me félicite.

Et après ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant