L'arrivée

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Elle s'appelle Solange. Elle est brune, avec de beaux yeux gris pétillants. Son père est un grand couturier de Paris, et sa mère est mannequin.

Son quotidien se résume à de longues grasses matinées, à des après-midi shopping avec ses amies, à de tardives soirées animées, et à des vêtements griffés par les plus grands couturiers des quatre coins du monde. Elle appartient à ce frétillant et lumineux monde plein de paillettes, tant désiré par la classe moyenne.

Pour elle, pas besoin de longues études pour travailler, la fortune de ses parents suffirait à la faire vivre pendant des millénaires. Elle vit, c'est tout.

Les journalistes la traquent parfois, les hommes aussi. Ces derniers sont attirés autant par sa fortune que par sa beauté. L'intelligence de la jeune femme ne semble pas les émouvoir, plus animés par des motifs peu avouables, ils ne prennent pas goûts à ses traits d'esprit, et ceci lui permet souvent de se débarrasser assez rapidement des importuns qui se croient l'incarnation de la virilité et de l'intelligence masculine.

Ce soir de décembre, elle était invitée à une réception chez la mère de sa meilleure amie, Élisabeth Masset, afin de célébrer le passage au nouvel an.

Cette dernière enchaînait les conquêtes. L'autre soir, elle était avec Serge Blandier, le lendemain, l'honneur d'être son cavalier échoyait à Olivier Dery.

Solange sortit de chez elle, un long manteau de fourrure d'hermine la protégeant du froid mordant de l'hiver. Une neige fine était tombée toute la journée, recouvrant la ville lumière de son incomparable manteau de blancheur, qui accentuait la solitude des âmes en peine et faisait ressentir avec plus de cruauté le dénuement de ceux qui ne pouvaient même pas rêver à l'avenir qu'offrait la perspective d'une nouvelle année.

Ce 31 décembre, Paris était pourtant en fête.

La jeune femme participerait au festivités, mais en privé, avec seulement les cent-cinquante invités de son amie.

Au pied des marches du perron, son chauffeur l'attendait. Elle descendit avec précaution les quelques degrés qui la séparait de lui.

Il lui ouvrit la portière de la limousine.

La jeune femme le remercia d'un hochement de tête et s'engouffra à l'intérieur, pressée d'échapper à l'air glacé. Le chauffeur s'inclina puis referma la portière. La voiture de luxe démarra bientôt. Isolée du bruit du moteur et de ceux de la ville, Solange, à l'arrière, se servit une coupe de champagne.

Son portable vibra.

C'était Élisabeth. Solange lut le SMS.

Élisabeth: « Tu arrives bientôt ? »

Solange : « Oui, dans cinq minutes. »

E : « On n'attend plus que toi. »

S : « Vous pouvez bien vous passer de moi le temps que j'arrive. »

E : « Ta lumineuse présence nous manque. »

S : « C'est ça ! »

E : « Bon, je te laisse, Yvan m'accapare. »

S : « A tout de suite. »

Solange hocha la tête. Ce soir c'était avec Yvan qu'était Élisabeth. Quand s'arrêterait-elle de flirter ainsi ? Seul Dieu savait. Et Il ne semblait pas prêt à donner la réponse à cette question.

La jeune femme sirota son champagne le temps d'arriver chez Élisabeth, et se prépara mentalement à la soirée qui l'attendait. Ce serait grandiose. Mais elle ne comptait pas rester trop tard, une heure du matin au plus, demain serait une longue journée. Elle commencerait par un rendez-vous, puis elle partirai en Normandie, rejoindre ses parents, qui y passaient le nouvel an en amoureux.

La voiture s'arrêta, le chauffeur vint lui ouvrir. Elle frissonna en sentant l'air froid envahir l'habitacle, et elle-même, quand elle sortit, fut prise dans l'air glacé de la nuit.

Elle leva les yeux vers les fenêtres illuminées de l'impressionnante demeure.

-Mademoiselle désire-t-elle que je l'accompagne ? Demanda obligeamment le chauffeur.

-Merci, Albert, c'est gentil, mais je vais y arriver. Revenez me prendre ici à une heure. Je vous appellerai s'il y a un changement.

-Bien mademoiselle.

Il se détourna et reprit sa place derrière le volant, puis il démarra et s'en alla avec la longue voiture blanche chromée sur laquelle les lumières de la ville se reflétaient dans une myriade de couleurs. Solange le regarda s'éloigner, puis gravit les marches du perron. De la musique lui parvenait déjà.

Le moteur d'une voiture lui fit de nouveau tourner la tête. Elle vit une belle Lamborghini violette se stationner à l'endroit où se trouvait sa limousine quelques instants plus tôt. Elle la regarda s'arrêter, curieuse de voir qui allait en sortir. Elle ne connaissait pas la voiture, et à moins que Serge n'ait subitement fait fortune et l'ait aussitôt dépensée dans le luxe d'une telle voiture elle ne voyait pas de qui il pouvait s'agir.

Un homme qu'elle ne connaissait pas en sortit. Châtain, des yeux d'un bleu pâle, mais empreints d'un mystère difficile à dépeindre et d'une profondeur rare, une expression intense collée sur le visage et des yeux mi-moqueurs, mi-sérieux, il se dégageait de lui une assurance que Solange connaissait à peu d'hommes. Elle se sentit intriguée, comme attirée, par cet homme séduisant. Elle regarda ses vêtements. Un manteau noir, bien coupé, élégant. Il lui sourit.

Un autre homme sortit, plus petit, beaucoup moins élégant, et plus vieux, au moins la cinquantaine, jugea Solange. Il ferma la portière et tandis que l'homme élégant montait les marches du perron vers la jeune femme, il rentra dans la voiture, côté conducteur et s'éloigna.

Solange se détourna de l'inconnu pour frapper à la porte. Mais en attendant qu'on lui ouvre, elle se retrouva, par politesse, à lui faire face.

-Bonsoir mademoiselle, la salua-t-il.

-Bonsoir monsieur.

Le majordome des Masset ouvrit la porte, et ils entrèrent tous les deux, pressés d'échapper au froid. Ils se retrouvèrent dans le grand vestibule carrelé en damier, en face d'eux s'élevait un escalier en fer-à-cheval en marbre blanc, et au dessus-d'elle un immense lustre en cristal aurait fait pâlir de jalousie ceux de Versailles.

-Je m'appelle Hugo de Saint-Nacre, se présenta-t-il, tandis que le majordome lui prenait son manteau.

-Solange de La Chevasnerie.

Elle observa sa tenue. Il était habillé d'un smoking blanc parfait. A sa boutonnière une magnifique rose rouge à peine éclose semblait narguer le rubis écarlate qu'il portait en chevalière. Une montre de grand bijoutier qu'il arborait au poignet gauche indiquait huit heures et demi passées.

Solange haussa un sourcil. Aucun des hommes qu'elle connaissaient ne faisaient autant étalage de leur richesse, ou alors avec un tel mauvais goût que c'en était répugnant.

Après avoir rangé le manteau de monsieur de Saint-Nacre, le majordome revint et prit celui de Solange. La jeune femme avait opté pour une longue robe bustier de teinte crème qui lui arrivait aux chevilles, elle était fendue sur les deux cotés à partir des genoux. Une ceinture de soie noire ceignait sa taille fine et était nouée dans le dos dans un nœud savamment cousu. Une rose attachée au-dessus du sein gauche complétait cette tenue illuminée par une rivière de diamant, par un bracelet scintillant au poignet droit ainsi que par l'anneau serti d'un saphir passé à l'index de la même main.

Une fois débarrassés de leurs manteaux, ils suivirent le majordome qui les introduisit dans la salle de réception d'où s'échappaient de la musique et des éclats de rire. Il leur indiqua l'emplacement de Monsieur et Madame Masset, qui accueillaient les invités un par un.

Hugo de Saint-Nacre lui proposa son bras.

-M'autoriserez-vous à être votre cavalier pour ce soir ?

Elle lui sourit sans trop savoir pourquoi et accepta son bras. Il la conduisit jusqu'à leurs hôtes.

Une SoiréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant