Chapitre 4 : Une jeune fille dans un tiercecolle

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Tout à ses pensées, Stéphane prit le chemin du commissariat troublé par les dernières paroles de sa coéquipière, il n'était pas du genre à draguer les femmes. Adolescent toujours entouré de jolies filles, jamais dans le paraître, il ne se pavanait pas, ne jouait jamais de sa personne, restait toujours lui-même, l'ami indéfectible sur qui on pouvait compter en toute circonstance. De là à songer que les filles appréciaient, elles, de se montrer à son bras. Non, impossible, sa petite cour se composait d'amies sincères, elles se confiaient à lui, lui demandaient conseil et respectaient son intimité quand il entretenait une relation sérieuse.

Il pouvait citer le nombre de filles qu'il avait fréquenté, toujours amoureux comme on peut l'être à cet âge. À chaque fois, il se projetait dans un avenir commun.

Et les années passant, contrairement à beaucoup de ses amis, les aventures d'un soir ne l'intéressaient toujours pas.

Et oui, il se serait volontiers laissé mettre, le collier, la corde -- enfin peu importe comme certains appellent ça -- autour du cou par Aurélie.

Amoureux fou, -- oui il tombait trop facilement amoureux peut être --, il souffrait de cette séparation, ne comprenant toujours pas ce que son ex-compagne pouvait bien trouver à ce guindé d'Émilien, dix ans de plus qu'elle. Érudit dans son domaine, les parchemins anciens, il devait sentir la poussière et la moisissure à force de rester enfermé dans ses bibliothèques. Vieux et plein aux as, non il n'aurait pas cru Aurélie aussi vénale. Il pouvait bien se faire croire, avec son petit cinéma auprès de sa voisine de pallier, qu'il était passé autre chose, au fond de lui, il devait admettre qu'il se mentait, la preuve, avoir évoqué Aurélie avec Juliette le troublait encore. Il secoua la tête comme en pour chasser ses tristes pensées.

Pour l'heure, un autre sujet s'avérait être prioritaire : trouver cet assassin, et vite.

Il monta quatre à quatre les deux étages qui menaient à son bureau. Il vit Gérard assis à sien, la porte étant ouverte. Stéphane se demanda un instant s'il n'était pas préférable d'attendre l'identification avant d'aller discuter avec lui. Il hésitait encore quand son commandant l'interpella.

- Stéphane, nous avons reçu un appel. Il semble qu'on ait découvert un cadavre dans les caves du Clos de Montmartre. L'équipe scientifique est déjà sur place, on attend que toi.

- Pourquoi moi, rouspéta Stéphane, je suis sur l'affaire de la jeune fille retrouvée tout à l'heure, je venais faire mon rapport.

- Je sais bien, soupira le commandant Saint-Pierre, mais Bruno est grippé, et nous sommes en manque d'effectifs. Allez, file, Laurie s'occupera de la paperasse.

Stéphane repartit en sens inverse, en descendant il croisa sa coéquipière.

- Je te vois tout à l'heure, une nouvelle affaire en cours, Saint-Pierre t'expliquera.

Ce ne fut qu'une demi-heure plus tard qu'il parvint enfin à destination, tempêtant tout le long contre les embouteillages.

- Ah ! Vous voilà enfin, bougonna, un homme entre deux âges, assez agité qui devait faire les cent pas dans le hall, probablement depuis trop longtemps à son goût.

- Tout le monde vous attend depuis des heures, mais qu'est-ce que vous foutiez, bon sang ! Il nous faut reprendre le travail au plus vite.

Stéphane se retint de lui répliquer d'une manière cinglante, mais il comprenait que trouver un cadavre sur son lieu de travail était assez perturbant. Il excusa donc cet accueil glacial.
L'homme souffla bruyamment, visiblement agacé.

- Suivez-moi et faites donc preuve de célérité la météo annonce la pluie et il nous faut donc terminer la récolte au plus vite.

Sur ce, il tourna les talons et se dirigea vers un escalier reliant le bâtiment administratif avec ce qui restait de l'ancien cloître de l'Abbaye.

Stéphane maîtrisait bien l'histoire de ce vignoble, ses grands-parents possédant une petite maison à deux pas de là, Rue Paul Feval. Avec papy fervent connaisseur de l'histoire de la butte, durant son enfance il battit bien souvent le pavé, son grand père lui racontant mille anecdotes sur le passé de ce quartier. Il pouvait citer les noms de tous les personnages célèbres nés ici dans le plus bel arrondissement de Paris.

Eh oui en plein cœur de la capitale trouver un vignoble pouvait surprendre, tout comme son historique. En effet qui aurait pu imaginer qu'afin de lutter contre une urbanisation grandissante la société Le « Vieux Montmartre » ait trouvé cette solution afin de préserver le charme désuet et rétro ce célèbre quartier.

Un vignoble avec une belle production élaborée de manière artisanale. Une cuvée annuelle qui se vendait aux enchères, les dons récoltés profitant aux œuvres sociales de l'arrondissement.

Papy conservait amoureusement un petit litre de la cuvée 2013.

- Pour ton mariage Stéphane, de circonstance puisque c'est la « cuvée Montmartre fête l'amour », lui avait-il annoncé lors de son acquisition.

Stéphane avait souri, il fréquentait Aurélie depuis six mois, et oui, il envisageait déjà de l'épouser.

Le personnage peu sympathique, qui d'ailleurs n'avait même pas pris la peine de se présenter, s'arrêta brusquement à l'entrée d'une cave et ramena Stéphane sur terre.

- C'est ici, tous vos collègues sont là, je vous accompagnerais ensuite dans la salle où les employés vous attendent pour l'interrogatoire. Mais par pitié, dépêchez-vous.

Stéphane se contint encore une fois de faire un quelconque commentaire, bien que çà lui démange d'envoyer bouler ce triste personnage.

Il pénétra dans une ambiance irréelle. Dans cette immense salle voûtée les sons se répercutaient sur les parois et d'étranges odeurs se mêlaient, le tout sous la lumière bleutée des néons donnant à la scène un aspect fantasmagorique.

L'équipe s'affairait autour d'un tiercecolle. S'approchant il enfila une paire de gants en latex et une combinaison papier que lui tendit un gars de l'équipe scientifique, indispensable pour de ne pas contaminer la scène de crime.

Une fois les premières constatations faites, l'équipe s'affaira à sortir du tonneau le cadavre d'une jeune fille d'une quinzaine d'années, aux dires du médecin légiste qui le renseignait au fur et à mesure, faisant ainsi un premier bilan.

Une jeune fille, avec pour seul atour un collier de chien autour du cou, présentant de nombreuses traces de violence, sauvagement battue à mort, au prime abord -- il faudrait attendre l'autopsie pour le confirmer -- fut extirpée de son cercueil provisoire.

Stéphane frissonna. Encore une lycéenne ! Serait-il possible que les affaires soient liées ?

Une scène de crime toutefois assez insolite, pas évident de pénétrer au Clos Montmartre à moins d'y avoir ses entrées. Un tableau différent des deux autres scènes avec ces jeunes filles abandonnées dans la rue. Une rage immense devant tant cruauté envers d'innocentes victimes,déferla en lui, s'accompagnant d'une violente envie d'hurler, et surtout de cogner sur la sale ordure responsable de ces atrocités. À défaut, il se rendrait à la salle de sport pour se défouler. Pour l'heure, probablement des heures d'interrogatoires déprimants l'attendaient.

Jeunesse en dangerWhere stories live. Discover now