Chapitre 6 : Une nouvelle piste ?

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Alain Léone, visage de lutin, à l'allure dégingandée, étudiant en dernière année de droit à la Sorbonne, s'enflammait davantage pour la photographie que pour ses études forcées. C'est ce qu'il expliqua aux deux enquêteurs, alors qu'ils faisaient route vers son domicile.

Il s'emballait, tout à sa passion, tant et si bien qu'une petite veinule pulsait au creux de son cou, remarqua Laurie, qui dévisageait inconsciemment cet étrange jeune homme au look interpellant. Pantalon de veloutine violet sombre, chemise d'un blanc immaculé à jabot, sous un gilet noir, à ses pieds des godillots à lacets. Autour de son cou un appareil photo qui devait coûter un bras, se dit Laurie in petto, bien que non experte dans ce domaine. Le style du jeune homme, mélange de modernité et de passé, loin des styles gothiques ou hipster, dernière tendance, entre autres, déconcertait sur un jeune homme d'une vingtaine d'années. Alain, ne passait pas inaperçu dans ce look très anticonformiste qui se voulait être le reflet de sa personnalité. Son regard noir velouté envoûtait, se surprit à songer Laurie, tandis que le jeune homme la fixait en retour.

La station de métro était plutôt déserte à cette heure aussi se glissèrent-ils sur les places vacantes. Stéphane, face à eux consultait son téléphone, tandis qu' Alain s'installait à la droite de Julie en profitait pour la dévisager en souriant. Gênée elle détourna le regard vers les autres passagers. Installée pas très loin, une petite grand-mère voûtée emmitouflée dans une étole grise totalement dévalée, tous ses sens en éveil, lançait des regards inquiets autour d'elle, peut-être avait-elle été un jour été agressée, songea Laurie, ce qui expliquerait son comportement. À sa gauche, une jeune femme au regard voilé, comme empli de larmes juste taries, fixait le vide de ses yeux tristes.

Alain la surprit en se penchant vers elle, ajustant son objectif et lui murmurant :

— Vous me semblez très observatrice, vous feriez une excellente photographe. Je devine que vous étudiez les gens autour de vous et que vous leur créez des vies, un talent sûrement en lien avec votre métier. Regardez cet homme qui lit juste en face.

Laurie tourna son regard vers le vieil homme assis près de Stéphane. Jean délavé et usé, baskets en toile bleu marine, caban noir élimé, un visage buriné par le soleil, ancien marin peut être, venu s'échouer dans la capitale ?

— Regardez ses mains, plutôt, souffla Alain. Que vous racontent-elles ? demanda-t-il, après en avoir ajusté sa prise de manière que l'on ne voit que les mains de l'homme et le livre qu'il lisait. Ce cliché sera superbe en N&B, ajouta-t-il en se levant et s'approchant de l'inconnu pour lui montrer la photo prise et son autorisation de publication.

Le vieil homme leva les yeux, des yeux extraordinairement clairs et vifs. Après un bref échange Alain revint s'asseoir prés de Laurie.

— Alors ? Où en étions-nous ?

— Soit ce n'est pas la première fois qu'il lit ce roman, vu l'état du livre, soit, il l'a acheté dans une bourse aux livres, je pencherais pour cette option, il semble avoir de petits moyens financiers vu ses vêtements usés.

— Ou bien, il n'attache pas d'importance à l'apparence, ni aux biens matériels, l'interrompit le jeune homme. Je penserais plutôt qu'il aime lire et relire ce roman, il est tout annoté, je l'ai vu quand je lui ai parlé.

— Si c'est un livre d'occasion, quelqu'un d'autre a pu le faire ?

— C'est aussi une éventualité. Bricoleur ou pas ? poursuivit Alain.

Laurie se concentra sur les mains du vieil homme.

— Ses mains sont bien soignées, les ongles courts, pas celles d'un homme vraiment manuel, ce qui est en totale contradiction avec le reste de son apparence. Un maladroit peut-être qui s'est soit coupé en bricolant, soit en cuisinant. Je pencherais pour une petite coupure de cuisine.

Le jeune excentrique hocha la tête, leurs avis divergeant, il trouvait ce débat intéressant. Chacun voit ce qu'il veut voir, c'est pourquoi il se passionnait pour la photographie, les images saisies sur le vif. Ces scènes de vie quotidienne, chacun pouvant les interpréter à sa manière, et rien n'est blanc ni noir.

— Le shoot que j'ai fait de la jeune fille, je n'ai pu lui demander son accord, elle est partie bien trop vite avec le gars qui l'accompagnait.

— On le voit sur la photo ?

Alain hocha négativement la tête.

— Non, j'ai centré ma prise sur elle, mais peut-être peut-on le voir sur d'autres clichés de ce jour-là. Je pourrais vous aider pour un portrait-robot, j'ai une excellente mémoire des visages.

Laurie espérait que ce soit le cas, ainsi ils pourraient progresser dans l'enquête et identifier le jeune homme, probablement le dernier à avoir vu Emma. Un suspect ? Pour l'instant rien ne le laissait supposer.

— Vous avez une idée de l'âge qu'il pourrait bien avoir ? s'enquît Laurie, Stéphane étant toujours le nez plongé dans ses messages.

— Oh ! Vingt-cinq ans, dirais-je. Plutôt beau gosse, mais de ce genre standard, jeans bruts, tee-shirt collant pour mettre en avant leur plastique irréprochable. Comme lui, ajouta-t-il en désignant Stéphane. Un tatouage dans le cou. Brun, ma taille. Je ne l'ai pas trop regardé. Mais elle oui, par contre, son visage était très intéressant.

— Qu'avait-elle de particulier ? s'étonna Laurie, pour qui l'adolescente était aux dires de tous et des photos qu'elle avait vues, plutôt justement du genre qui ne se remarque pas. Voire intéressante avaient déclaré quelques filles de sa classe.

— Dans ces yeux, on pouvait lire de l'excitation mêlé à de la peur. Elle rayonnait, il y avait un je ne sais quoi qui émanait de sa personne.

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⏰ Last updated: Aug 16, 2018 ⏰

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