Chapitre III - Partie 1

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Le vent. Ou non, un souffle de vent tourbillonnant qui s'élargit et prend de l'ampleur. Un souffle devenu tempête en un instant, déchirant le ciel, détruisant tout sur son passage. Et ses fils, éclairs foudroyants, soulignent sa colère en la zébrant d'éclats aussi sinistres que létaux.

  Au milieu de cette tourmente, une vie, un espoir désespéré d'échapper au tumulte et à la mort. Cette ombre vole et virevolte, tente de se faufiler entre les rafales d'une puissance cruelle et aveugle, y réussit tant bien que mal. Un javelot de feu tente d'y mettre fin mais échoue. Pire, l'illumine, parant d'un manteau de gloire doré une petite mouette. Celle-ci, puisant dans ses dernières réserves de force et dans l'immensité de son désespoir, continue les esquives, feinte les bourrasques qui l'attaquent sans relâche. Ce n'est plus un vol, c'est une danse que mène l'oiseau, un ballet de la mort rythmé par les sinistres battements d'un orchestre devenu fou. 

La mouette, se sentant gagnée par une sensation de désespérance totale, finit par baisser les armes. Repliant ses faibles ailes sur son corps et penchant un maximum son cou, elle tombe. Elle sombre dans un néant total, celui de la mort. Elle n'entend plus les sifflements stridents des rafales endiablées, ne sent plus son corps ballotté sous la férule d'une haine dénuée de visage et pourtant si féroce. Elle sombre, l'horizon n'existe plus, puis  les ténèbres sont sans fin. 

Subitement elle ouvre les  yeux non pas pour voir une quelconque lumière, celle de la foudre ou d'un soleil, mais parce qu'elle est envahie d'un sursaut de vie. Un sentiment, non, un frisson de vie qui se répand dans tout son être réveillant toutes les fibres de son corps et écartant ses ailes. C'est dans cette position, fière et noble, que la mouette émet ses derniers cris. Ce son suspendu dans le temps l'espace d'un instant,  exprime un défi lancé par la mouette. Non pas à son tyran mais à la vie elle-même, car, si elle avait été ballottée, maltraitée et entraînée inexorablement vers la mort, la mouette se serait néanmoins battue pour elle. Si elle devait mourir ce ne serait pas en victime, mais en un être connaissant la douleur de vivre, le désespoir face à l'adversité et surtout la plénitude d'une journée chaude éblouie par la lumière d'un bel après-midi. Si elle devait mourir, ce serait en être libre, elle aurait existé et en aurait été consciente.

Cet instant, comme tous les autres, prend fin ainsi que la vie de la mouette qui, après avoir été balayée par le vent, finit par être engloutie par la mer. Une grande vague l'emporte avec elle, l'attirant sans pitié vers ses tréfonds les plus enfouis. Le ciel commence alors à se calmer, mais point d'autre lumière à l'horizon que celle de la foudre retranchée derrière les lourds et menaçants nuages d'un ciel à l'affût d'une nouvelle victime. Et la mer traîtresse, se fait d'huile et de miel. Amante des marins, soi-disant, mais amoureuse d'un tyran qu'elle suit dans tous ses caprices. Elle s'habille pour le séduire et porte les mêmes couleurs que lui, égocentrique qu'il est.

Il manque un élément ! Où se trouve donc le soleil ? Les esprits innocents penseront qu'il se cache derrière les nuages, attendant patiemment son heure. Naïfs ! Le soleil n'est pas lumière ou encore espoir, il est la vie et seuls les êtres le sachant peuvent le voir.

Le soleil n'est pas perché haut dans le ciel il gît dans les bas-fonds d'une amoureuse délaissée, éblouissant les cadavres d'esprits vivants.

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— Pas vraiment réjouissant comme     gravure aujourd'hui, hein ?

Imire se retourna vivement au son de la voix qui avait interrompu ses pensées. Il fit rempart de son corps devant sa dernière œuvre et tenta maladroitement de cacher le couteau derrière son dos. En voyant le visage amusé de l'importun, il se détendit  et relâcha tous ses muscles en un long soupir.

La Chute du JoyauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant