Chapitre 1 - la nouvelle venue

285 27 36
                                    


Les cheveux de Gabrielle captent les rayons du soleil qui s'infiltrent par les stores entrouverts, faisant briller leur ébène. Mme Pattinson, notre prof d'anglais, s'évertue à capter l'attention de son auditoire à coup de powerpoint démodé et triste à pleurer. Pour peu qu'on s'intéresserait un tant soit peu à la question des règles de grammaire, sans doute que ça serait cohérent. Pour le reste on repassera.

Il faut lutter pendant cette heure de cours pour ne pas sombrer dans le sommeil profond. J'ai développé mon astuce pour ça : je place mes mains sur mes tempes en visière, le nez penché sur ma feuille et les coudes sur la table. De là où se trouve la prof, on pourrait croire que je planche sérieusement sur ma prise de note. La réalité, on la connait tous. Ni vu, ni connu.

La sonnerie salvatrice retenti, nous libérant au moment où notre tortionnaire nous hurle les devoirs à faire dans le brouhaha des chaises qui se déplacent.

Les examens de fin d'année me fatiguent par avance, mais mes notes sont si catastrophiques qu'il va falloir travailler dur pour tenter de remonter désespérément ma moyenne si je veux avoir une chance d'intégrer une école ou une faculté correcte. Enfin, correcte selon maman.

La tête basse, je me précipite vers la sortie en direction du prochain cours et manque de percuter Hélène.
Comme si la journée ne pouvait plus mal débuter.

Celle ci se retourne, me dominant de toute sa hauteur et de son regard hautain écrasant. Incapable de soutenir les fusils qui lui servent d'yeux, je prie intérieurement pour disparaître six pieds sous terre.

- Me touche pas la moche.

Elle m'aurait frappé la poitrine que ça n'aurait été plus douloureux. Une vraie garce cette Hélène. Du genre que l'on jalouse secrètement au fond. Non seulement sa taille fine et gracile, son port de tête délicat et ses jambes infinies lui donnent des allures de ballerine, mais en plus son visage angélique fait d'elle la coqueluche de toute la classe. Même les professeurs l'ont à la bonne.

Ils ne savent pas que la jolie plante lacère de ses épines les moins biens lotis par la nature. En l'occurence, je les aient entendu moi, ses commentaires acerbes sur ma taille trop épaisse, mes vêtements noirs et mes cheveux incoiffables.

Et le pire dans tout ça c'est que, loin de me dégouter de sa personne, elle ne m'en fascinait que d'avantage. Comme une forme de masochisme, d'admiration incontrôlable pour un séduisant bourreau. Ça me dégoute de moi même, d'espérer vaguement qu'elle remarque un jour que je peux être tout aussi intéressante qu'elle. Sa popularité crée une envie que je ne peux satisfaire que lors de mes moments de rêveries journaliers. Dans ces instants, je me surprend à imaginer qu'elle me parle avec gentillesse et s'intéresse à mon avis. Ensemble on pourrait faire les magasins, elle me guiderait de son goût sur et averti sur les dernières tendances qui iraient le mieux avec ma morphologie ou que sais je...Peut être – non, sans doute- qu'on me verrait différemment dans les couloirs du lycée. Non plus comme la bizuth dont on peut se moquer impunément car, finalement, jamais la dite bizuth n'ira s'en plaindre.

Mais je ne suis pas assez naïve pour y croire réellement. Enfin, je crois.

En tous cas une chose est sure, c'est qu'il faut vite que je me tire, sous les rires calfeutrés de sa cour.

Les mains fermement accrochées à la bandoulière de mon sac, je me dirige tête basse vers la prochaine classe.

Toujours la première à entrer dans la salle, pas de celles qui trainent devant en papotant. Je n'ai pas grand chose à dire de toute façon, c'est mieux comme ça. Je m'installe au fond et pose mes affaires. Puis je fixe mon casque sur mes oreilles et attend.

Charly au pays des enfersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant