P R O L O G U E

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Beaucoup de personnes pensent que les meurtriers sont fous, et prennent plaisir à tuer leur victime.

Qu'ils sont juste en manque de sang, qu'ils ont besoin de voir ce liquide rougeâtre se déverser des corps de leurs victimes pour se sentir revivre. Pour se sentir puissant.

Qu'ils sont fous. Qu'il y a eu un problème quelque part, soit dans leur éducation ou bien mentalement ; que cela pourrait être génétique même parfois.

Voilà dans quelle catégorie ils sont rangés : fous, malades mentaux, bons à interner ; ou tout simplement à tuer. Même si une raison logique pourrait expliquer votre acte, ils vous rangeraient tout de même dans ces catégories, sans même chercher à comprendre quel est votre véritable problème, la cause de tout ce massacre. Ils vous interneraient, en hôpital psychiatrique ou en prison. Au final, pour ces deux endroits, c'est du pareil au même, c'est juste la manière dont on vous voit qui est changeante. Grand criminel ou fou, c'est la même chose après tout.

Pour ma part, je suis classée chez les fous. Où voulais-je aller de toute manière, je n'avais que seize ans et j'en étais déjà à mon troisième homicide volontaire -ou non. C'est bien que j'ai un problème non ? Alors ils doivent me réparer à coup de séance chez le psy et de médicaments, ce qui bien souvent, ne fait pas effet.

Je suis actuellement chez les pires patients, ceux les plus dangereux, les plus à risque, les ingérables ; les classes X. Enfermée dans l'aile la plus reculée du bâtiment principal d'un hôpital miteux et perdu afin d'éviter de plus grands problèmes que ceux que cause les patients les moins à risques. Dans notre ailes, nous les appelons les novices. Ils sont trop faibles pour faire de réels dégâts. Mais venez vous frotter à quelqu'un de chez nous, vous serez sûre que quelques choses vous manque à la sortie ; que ce soit matériel, physique, ou mental.

Selon les diagnostiques, je suis officiellement atteinte de schizophrénie. Tout simplement parce que je leur ai expliqué que mon amie Claudia m'a conseillé de les tuer pour mieux vivre et qu'elle a disparu une fois la tâche accomplie ; ou plutôt qu'elle est morte, elle aussi. Je n'étais pas folle, je ne l'ai jamais été. Ou peut être un peu au fond. Mais si je le suis maintenant, c'est à cause de cette idée qu'ils ont réussi à m'implanter. Ils m'ont persuadé que j'étais réellement ainsi ; et ils ont fait de moi une sorte de psycho-sociopathe. Alors maintenant oui, cette voix est arrivée dans ma tête et c'est elle qui me dit quoi faire. Elle me commande, me pousse à faire des choses, et la plupart du temps l'histoire se termine mal, autant pour moi que pour la personne concernée. Mais ils ne peuvent rien faire contre moi. Ils m'injectent une substance qui m'endort pendant un certain temps. Je reste dans ma cellule toute la semaine, et après je peux enfin sortir.

Je suis là depuis maintenant quatre ans. Quatre longues années à errer dans ses couloirs aux murs sales, dans cette chambre miteuse dans laquelle un simple lit aux ressorts rouillés et au matelas pas assez épais repose dans un coin sombre de la petite cellule ; comme un fantôme, un spectre sans vie. La peau blafarde, le regard vide, je suis peut être la physiquement -pourris jusqu'aux os-, mais mentalement, c'est autre chose. Ils ont même mis des barreaux aux fenêtres ; qui par ailleurs ressemblent plus à des meurtrières de château fort qu'autre chose. Dix centimètres de large, cinquante de hauteur, et ils trouvent encore le moyens de mettre des barreaux. Je me demande parfois si le personnel qui travail ici ne devient pas un peu cinglé avec le temps. C'est peut être pour cela que les psychologues jettent tous l'éponge au bout de trois ou quatre mois. Par ce qu'ils ont entendu tellement d'horreur qu'ils ne le supportent plus. Ou peut être bien qu'ils se font internés, comme nous.

Je me demande si il se passe la même chose dans l'aile droite. Si chez eux aussi ils entendent des cris la nuit. Et s'il y a des suicides aussi. Comment c'est de parler aux gens sans qu'ils ne se sentent agressés ou ne veuillent pas t'arracher les yeux dès que tu leurs jette un regard en coin ? J'ai oublié ce que cela faisait d'être normale. J'ai vu tellement de chose ces quatre dernières années que j'ai oublié comment c'était dehors, au-delà de ces barrières aux gonds rouillés qui restent finalement ouvertes.

Les gens ont peut être raison au fond : c'est de la folie ici, à l'hôpital St James. Même le nom est pourri. Ils auraient pu l'appeler Alcatraz, cela aurait été pareil au fond, même si on le voit grâce au façade terrifiante du bâtiment et au portail sinistre.

"Maintenant, oubliez ce vous croyez connaître de ce genre de chose. Il n'y a pas mystère, tout le monde est bel et bien fou dans cet endroit. Peut-être pas au début, mais on le devient rapidement. Préparez-vous à en faire de même. Laissez la folie vous gagner et vous verrez."

- Isabelline Atkins

SchizophreniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant