C A B E S A U N D E R S # 1

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Une route. Un crissement de pneus. Une intersection. Un virage. Des arbres. Une forêt.

Mais où est-ce qu'on m'emmène à la fin ? Il fait noir et je ne vois rien mis à part la forêt se refermant sur le taxi dans lequel je suis confiné. Je n'aurais jamais dû accepter ce poste. C'était trop beau pour être vrai ; où tout simplement trop anormal. Comment un grand hôpital psychiatrique pourrait avoir besoin d'un jeune psychiatre tout juste diplômé et sortit de l'université ? Je ne sais même pas si je dois être honoré par cette proposition ou bien en être apeuré. La deuxième probabilité doit sûrement être la bonne.

« N'en parlez à personne monsieur Saunders. Un de nos taxi viendra vous chercher dans une heure en bas de votre immeuble. »  C'est tout ce que j'ai réussi à retenir de ma conversation avec une assistante d'un certain Dr Becker de l'hôpital St James. À la hâte, j'avais préparé ma valise (seulement quelques affaires afin de me changer sur une semaine) et je m'étais posé devant mon ordinateur afin de faire quelques recherches. Tout ce que je savais déjà, c'est que je pouvais me permettre de partir. Plus rien ne me retenait. J'avais terminé mes années universitaires, j'étais diplômé et j'étais en recherche d'un emploi : la proposition tombait à pic et je ne m'étais pas posé plus de questions avant d'accepter.

J'aurais peut-être dû demander un délai finalement. Rien ne figurait sur internet. Aucun hôpital psychiatrique du nom de St James ne semblait exister dans l'État de Washington ; du moins selon internet. Je pensais en apprendre un minimum. Je me suis bien trompé. Une heure plus tard, le taxi était là. Je lui ai donné le nom de l'hôpital, il a hoché la tête et nous sommes partis tout droit vers l'inconnu. Voilà comment je me suis retrouvé dans ce taxi miteux, sans chauffage, accompagné d'une odeur immonde, mélange de cigare, de whisky et de vomis. Pour un premier aperçu de ma nouvelle vie on aurait pu faire mieux.

- Où allons-nous exactement ?

Le chauffeur a rigolé et m'a lancé un regard par son rétroviseur. Ses cheveux longs, noirs et gras retombant sur son visage carré à la barbe mal rasée. Ses yeux noirs étaient vitreux et avaient quelques vaisseaux éclaté à leurs extrémités.

- En enfer, m'a-t-il finalement répondu.

Je n'ai plus rien ajouté de tout le trajet. C'est à peine si j'ai osé lui demander s'il plaisantait. Mais il avait plus l'air sérieux qu'autre chose, malgré son petit rire cynique. J'ai fini par m'assoupir.

J'ai été réveillé par le bruit des gouttes de pluie s'écrasant contre les vitres et le sifflement des bourrasques. L'odeur du vomis avait reprit le dessus et me rendait davantage malade que je ne l'avais été au début. Autour de nous, la forêt de pin avait laissé place à un énorme jardin maussade. Les herbes étaient trop hautes, sans couleurs et recouvraient une majeure partie du terrain. Au fond, je peux apercevoir un petit point d'eau et une balançoire faite à l'ancienne grâce à un pneu dégonflé accroché à une grosse corde, elle-même relié à un chêne bouffé par les mites. J'ai essayé d'imaginer des enfants malades y jouer, mais même cela ne parvenait pas à en lever l'image effrayante de cet endroit. Bientôt, le véhicule freine et finit par s'arrêter.

- Attendez moi là.

L'odeur de mort me saute au nez alors qu'il a ouvert la bouche. Une main portée à mon nez, je regarde le chauffeur sortir et courir sous la pluie jusqu'au porche de l'immense hôpital. La façade en brique rouge n'a rien d'accueillante et me fait vite regretter d'avoir accepté ce poste. « Nos patients ont besoin de vous, Mr Saunders. » Mais au moins, ce serait pour la bonne cause, non ?

SchizophreniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant