I S A B E L L I N E A T K I N S # 2

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Ma tête me fait un mal de chien et il m'est impossible de poser ma main sur mon front comme j'en ai l'habitude à cause des liens reliant mes poignets aux barreaux du lit. J'ai encore fait une crise et je peux encore sentir le sérum se répandre dans mes veines, continuant de m'affaiblir tout en s'estompant peu à peu de mon organisme. J'ouvre lentement les yeux, mais le soleil n'est pas encore levé. Plus il me l'injecte, moins il fait effet sur moi. Je le sens. Je le sais. Mais si je le leur dis ou qu'il l'apprenne de n'importe quelle façon qu'il soit, ils m'injecteront sûrement un sédatif beaucoup plus puissant que celui-ci qui me tient déjà hors d'état de nuire pendant plusieurs heures. Alors, je reste allongée et fixe le plafond sur lequel circule tantôt une araignée, tantôt d'autres bestioles que je détestais autrefois. Maintenant, elles sont mes seules et uniques amies. Enfin, si on veut.

« Mais non, je suis là moi. » Et voilà qu'elle revient. Cette petite voix dans ma tête qui me dicte quoi faire. C'est à cause d'elle que je me retrouve ici. Elle n'était pas là au début. Mais ils m'ont rempli la tête avec cette histoire et maintenant elle est là. Errant dans un coin de ma tête comme un parasite que j'aimerais écraser sous ma pantoufle délabrée. Je tente de ne pas penser à elle, continuant de fixer le plafond comme la cinglé que je suis. Mon regard est vide et c'est à peine si je remarque le soleil se lever et éclairer la pièce. Ni même Marcus qui vient défaire mes liens et me déposer le petit déjeuner. Aujourd'hui : bouillie de flocons d'avoines et un joli verre en plastique ainsi que son accompagnement de médoc qui, comme d'habitude, vont finir cachés dans mon matelas. Il est hors de question que je prenne leurs petites pilules qui vont me rendre à l'état de légume. Certains les prennent, d'autres non. Surtout ici, dans l'aile supérieure. C'est d'ailleurs pour cela qu'ils les glissent dans notre repas. Parce que personne ne les prend et cela nous rend instable. Mais s'ils nous croient idiot à ce point, ils se trompent. Je mange ma bouillie comme si je n'avais pas mangée depuis des jours ; un des contres effets du sérum, il nous affame. Quelques minutes plus tard, Marcus revient pour vérifier que je prends bien mes cachets et récupère mon plateau avant de repartir avec sa démarche de mort vivant. Ici, même le personnel est cinglé. Un jour j'ai croisé le concierge parlant tout seul, je n'ai pas saisi un traître mot sorti de sa bouche, mais une chose est sûre : il finira comme nous.

Les minutes passent et je ne sais pas si les aiguilles tournent rapidement ou lentement. Nous n'avons pas d'horloge pour nous l'indiquer. À Saint James, en plus de vivre à l'écart du monde civilisé, nous sommes hors du temps. Nous ne connaissons pas la date ni même l'heure ; enfin si, certains comptent encore les jours et relève à peu près l'heure à laquelle ils nous apportent à manger, mais cela n'est qu'approximativement la réalité. Moi, je fais partie de ceux qui ne croient plus en rien. Nous ne sortirons pas de cet endroit, à part si quelqu'un nous réclames. Ce qui ne sera définitivement pas mon cas.

- Allez ! Debout Atkins, ton rendez-vous avec le docteur Saunders est arrivé !
De l'autre côté de la porte blindée, je tends l'oreille, écoutant le son de la tige de ferraille entrant en contact avec la serrure. La clé qui tourne, déverrouillant la porte qui me retient à l'écart. Le bruit des menottes qui se frottent l'une contre l'autre dans les mains de Marcus. Les deux agents de sécurité qui se frictionnent les mains et qui souffle. Puis enfin, le grincement des gonds, l'ouverture de la porte. « Ils sont à cran, tu peux les avoir Isa ! »

- La ferme, soufflais-je à mon alter ego alors que les hommes de mains entrent dans la pièce.

- Alors, la cinglé, on parle toujours toute seule ?

Assise sur mon lit, je relève la tête pour faire face à cet enfoiré de Daryl qui, finalement, remplace Marcus pour mon escorte. C'est à cause de lui si j'ai refait une crise cette nuit. Il veut me rendre folle, bien plus que je ne le suis déjà, afin de rendre mon cas déplorable. « Allez ! Brise le en deux ! »

SchizophreniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant