Chapitre 2: Survivante

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Le reste de la journée passa lentement. Allongée sur son lit, Emma regardait sans le voir le vitrail qui fermait la fenêtre. Elle se demandait ce que Gauderic allait bien pouvoir lui dire de nouveau et de plus invraisemblable que tout ce qu'elle avait appris jusqu'à présent.

Aux alentours de huit heures du soir, on frappa à la porte. Une domestique apparut et prévint Emma que le souper était servi. Elle la remercia puis se leva et se recoiffa avant de sortir de sa chambre.

Lorsqu'Emma entra dans la salle, la table avait été dressée et les bancs, recouverts de coussins, ramenés tout autour. Gauderic et Edwin étaient assis l'un à côté de l'autre et Thomas avait pris place en face de son père. Emma s'assit à côté de lui, à la place qui lui avait été réservée.

Toutes sortes de mets avaient été préparés, tous semblant plus délicieux les uns que les autres. Emma prit du civet de chevreuil, du pâté aux champignons et quelques fruits, le tout posé sur une épaisse tranche de pain faisant office d'assiette. Elle eut quelques difficultés à manger proprement car, contrairement à l'autre monde, l'usage de la fourchette était inconnu, la forçant à se contenter d'un couteau, d'une cuillère et de ses doigts.

Pour boire, il n'y avait que du vin et de l'aglian, une boisson créée à partir d'eau, de miel et de fleurs d'Amianis, plus connues sous le nom de fleurs des sylphides, sans doute en raison des vertus magiques qu'on lui attribuait. C'était le Roi Baldric I qui en était l'inventeur. Il aimait tellement le parfum de ces fleurs, qu'il décida un jour de créer une boisson à base de celles-ci. Satisfait du résultat, il partagea sa recette avec son peuple qui en fut plus que ravi.

Après que Thomas lui ait raconté l'histoire, Emma trouva impensable de ne pas goûter ce breuvage qui semblait si délicieux, et elle n'en fut pas mécontente. Dès la première gorgée, un goût de violette se développa dans sa bouche, laissant place ensuite à celui de la rose puis au goût incomparable de l'Amianis. Le miel relevait tous les arômes et rendait la boisson douce et agréable. De toute son existence, Emma n'avait jamais rien bu d'aussi bon.

Le repas terminé, Emma remercia le Gouverneur et sa femme de l'avoir accueillie, puis elle retourna dans sa chambre où elle passa seule le reste de la soirée.

Elle ne dormit pas beaucoup, cette nuit-là. Elle ne cessa de se retourner dans tous les sens, n'ayant pas l'habitude des matelas en cordes nouées qui étaient peu confortables en comparaison à ceux qu'elle avait toujours connus.

Enfin, vers quatre heures du matin, elle réussit à trouver le sommeil. Sommeil tourmenté car elle fit un cauchemar dans lequel les Maradéens les attaquaient, blessant Gauderic d'une flèche empoisonnée qui le transperça près du cœur, mettant fin à ses jours quelques heures plus tard.

Elle se réveilla en sursaut à cinq heures et, pendant un instant, confondit son rêve avec la réalité.

Comme elle devait retrouver Gauderic à six heures dans le hall, elle décida de se lever et de s'habiller. Elle revêtit la robe qu'elle avait porté la veille et comme il n'était alors que cinq heures et demie, elle décida d'attendre encore un peu avant de descendre.

Assise sur le banc en face de la cheminée, elle repensait à son cauchemar. En soi, il n'était pas si bizarre que ça mais il lui avait pourtant laissé une impression étrange et plutôt désagréable.

Environ un quart d'heure plus tard, elle sortit de sa chambre, descendit le grand escalier et arrivée en bas, trouva Gauderic qui était déjà là à l'attendre, vêtu d'une longue cape à capuchon et de bottes en cuir.

« J'espère que tu as bien dormi ? » demanda-t-il.

« Oui, » mentit Emma. Mais, à en juger par la façon du Gouverneur de la regarder, il n'en croyait pas un mot. Son visage était pâle, ses cernes marqués, elle était sans nul doute très fatiguée.

LA REINE D'EDERNOù les histoires vivent. Découvrez maintenant