A193

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Soudain, tout s'éclaire. Je l'aperçois, telle un mirage. Sa valise à roulettes bordeaux tirée d'une main, Jade émerge d'un couloir dissimulé par les murs d'un magasin de presse. Je peux attester de sa présence physique ; elle est saine et sauve. Je n'en reviens pas. Je cours dans sa direction (deux fois plus vite que lors de mon épreuve d'athlétisme du baccalauréat) et lui saute au cou, la vue brouillée par les larmes.

– JADE ! J'AI EU PEUR !

Je me blottis contre elle et laisse ses bras se rabattre autour de moi.

– J'ai eu peur ! Je...

– Chut...

– Tu n'as...

– Je suis là, calme-toi.

– Ils ont évoqué un accident... articule-je entre deux sanglots.

– Je sais, Roxane. Je suis désolée. Vraiment. Un avion s'est bel et bien écrasé ; seulement, ce n'était pas le mien.

Je n'ai pas le droit de crier sur les toits la parfaite santé de Jade en sachant cela. Tout le monde me haïrait pour mon égoïsme. Je me contente de la serrer encore plus fort, me laissant griser par son parfum devenu si familier. J'adore lorsqu'elle me caresse les cheveux comme elle est en train de le faire ; ses gestes sont d'une douceur inouïe.

– Je crois que tu as laissé tomber quelque chose par terre, me chuchote-t-elle à l'oreille.

– Ah bon ?

Je m'extirpe de ses bras et pars à la recherche de ma rose. Je la lui rapporte, à demi-froissée, croisant dans le même temps son regard, curieux et attendri.

– Je sais que c'est pas le moment, vu ce qu'il vient de se passer. Mais... je l'ai récupérée avant d'entendre la nouvelle, et... je voulais te l'offrir. Bon, on dirait un peu un cadeau stéréotypé, mais...

Je bafouille à moitié en fixant le parquet. Jade vient placer ses doigts sous mon menton et le soulève avec précaution, m'obligeant à me confronter à elle. Elle sait qu'elle m'intimide. Je rencontre une nouvelle fois son regard ; brillant, luisant. Il semble renfermer toute une palette d'émotions.

– Ça me touche...

Elle s'avance d'un pas ; à ce stade, sa veste me frôle et me fait frissonner. Je commence à perdre le contrôle de mes muscles, désormais dénués de toute contenance du fait de la chaleur qui traverse chaque parcelle de mon corps, de mon âme. La main droite dans ma nuque, l'autre m'enserrant à la taille, Jade se penche lentement vers moi, avec toute la patience dont elle dispose, réduisant petit à petit la distance entre nos deux visages. Je me sens chez moi et en sécurité à l'instant même où elle pose ses lèvres sur les miennes.

J'espère qu'elle ne m'abandonnera pas.