Chapitre 3

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                              LIV
      (Un an et quelques mois plus tôt)
Je me réveille difficilement. Mes paupières collent entre elles. Je sens une gêne dans ma gorge. Je porte ma main à ma bouche et je peut tâter le dispositif qui sort de celle-ci. Je commence à paniquer et à m'agiter quand un visage inconnu se penche vers moi et me demande de me calmer.
Cette infirmière du nom de Rose vient de m'expliquer que je me trouve à l'hôpital suite à un accident de voiture. C'est vrai que je me rappelle avoir été en chemin pour partir chez ma tante ( La sœur de ma mère). Je ne me souviens plus vraiment de l'accident mais je me rappelle être tombée. Tombée puis plus rien. Trou noir. Je me souviens de la douleur, aussi. Vive, insoutenable. Une équipe médicale se relaie pour prendre soin de moi. Des questions se bousculent dans ma tête: Comment vont mes proches, ont-ils survécu. Bien sûr que je suis inquiète mais je suis humaine et de par ce fait égoïste. J'ai besoin de ce temps où seules de bonnes nouvelles planent à l'horizon. Je suis en vie, je vais bien. Si Le reste du monde est à l'agonie, je préfère l'ignorer. Moi, ça va. Moi, je vis. Après une journée et une nuit où je ne fais pratiquement que dormir, je me force à trouver le courage de demander à Rose, l'infirmière la plus gentille d'après moi, ce que sont devenus ma mère et mon frère, Jimin. Elle prend un air grave et mon cœur se serre. Je m'attends au pire. " Chérie, tu sais, votre voiture est tombée d'assez haut. L'homme qui conduisait l'autre voiture est mort sur le champ. Tu as eu beaucoup de chance de t'en être sortie indemne. Une chute de cette falaise, ça ne pardonne normalement pas." Je déglutis difficilement. " Et Jimin? Et Maman?"
Rose passe sa main dans mes cheveux pour dégager mon visage. Elle me sourit faiblement. " Ton frère va s'en sortir, il ne s'en sortira néanmoins pas sans séquelles. Les tests ont étés réalisés aujourd'hui et le diagnostic est clair. Quand la voiture a heurté le bas du ravin, la tête de ton frère a cogné le tableau de bord. L'intérieur de sa tête à un peu saigné et un zone de son cerveau est un peu endommagée." Sans que je le contrôle, des larmes se sont mises à couler le long de mes joues.
" Qu'est-ce que ça veut dire? ". D'une voix qui se veut pleine de tendresse, mon infirmière me susurre: " Ton frère risque d'avoir des crises de troubles de la mémoire. " Je secoue la tête, refusant le verdict " Je  comprends pas ". Si, je comprends. Elle est restée avec moi une bonne heure m'expliquant que rien n'est prévisible mais que les patients qui ont déjà manifesté ce genre de troubles ont des crises de perte de mémoire et que les moments de lucidité se font de plus en plus rares jusqu'à devenir totalement amnésique. La douleur provoquée par cette révélation n'est rien comparé à la nouvelle du décès de ma mère. Autodestruction. N'aurais-je pas mieux fait de rester dans l'ignorance? Dans mon faux sentiment de calme, de satisfaction? Je croyais qu'allait bien me suffirait. Le problème est que je ne suis plus sûre d'aller bien. Je pleure sans cesse, jai du mal à manger. J'ai perdu du poids Et je fais honnêtement peur à voir. Je ne souhaite plus voir personne de toute façon. Si, mon frère. J'ai besoin de mon frère. Lui aussi survivant. Je suis restée tout le mois d'août à l'hôpital, ma mère n'étant morte qu'après une semaine de coma ou elle reprenait quelques fois connaissance. Avant qu'elle ne meurt, je n'ai eu le courage de venir la voir qu'une fois, sachant pertinemment que ce serait la dernière. Elle m'a raconté un tas de choses qui n'avaient pas vraiment de sens, sur l'accident, son travail... Les médecins m'avaient prévenue qu'elle ne serait pas forcément lucide. Elle m'a répété que ce qu'elle disait était important Mais aujourd'hui, je ne pourrais plus m'en souvenir. Elle était à moitié hystérique, elle pleurait. Elle s'obstinait à parler de personnes qu'elle n'avait jamais évoqué de sa vie. Elle disait avoir besoin que je l'écoute mais je pense plutôt qu'elle n'était pas en état de parler. Pendant toute la période de mon hospitalisation, j'ai même tenu un journal. Je me parlais à moi-même, moi-même du futur. Je me suis promis de me remettre de l'accident et que quand j'aurai le moral dans les chaussettes, je relirais ce carnet, histoire de me dire: " J'ai survécu à pire! Je suis une survivante!". Je ne me suis pas remise de l'accident, j'ai bb en trop souvent le moral dans les chaussettes, je n'ai jamais réouvert mon journal. Je suis rentrée dans mon ancienne maison dès le mois de septembre, pour la rentrée. J'étais contente d'entrer au lycée, je ne connaîtrais plus personne. Bien sûr, Adèle ne m'a pas lâché d'une semelle. C'était pesant au début mais je m'y suis habituée. Jimin est revenu à la maison avec moi, il ne faisait rien de ses journées. Lui qui avait été très vivant durant toutes ses années n'était plus qu'une coquille vide. Pourtant, je me suis accrochée à lui comme un oursin a un rocher. Je tomberais pas tant que tu tiendras. Je continuait à cuisiner, faire le ménage, la lessive pour lui. Il était mon occupation, prendre soin de lui me donnait du travail et plus j'étais occupée à prendre soin de lui, moins je pensais à l'accident. Et puis les crises ont commencé, l'enfer à commencé. Un jour, je suis rentrée à la maison et il était complètement paniqué, il ne savait plus où il était, qui j'étais et ne se reconnaissait même plus lui même. Ses crises qui étaient très ponctuelles se sont faites plus régulières. Un beau jour, il y environ 2 mois maintenant, il a tout simplement disparu. J'ai appris après 24h de panique totale qu'il a été emmené d'urgence à l'hôpital après avoir passé une heure dans la rue, totalement perdu, à demander aux passants qui il était. J'ai (sur)vécu grâce à l'argent de ma tante et le petit salaire que Jimin a décroché grâce à son poste d"informaticien provisoire hospitalier" . Ma tante a gagné de l'argent sans raison du jour au lendemain, ce qui reste un grand mystère pour moi. Elle me fait des virements sans lesquels je devrais retourner chez elle, un bled plus paumé que Longecourt en plaine. C'est pour vous dire... J'ai toujours su me débrouiller par moi même depuis l'accident. Depuis ce jour, je ne l'ai pas revu, jusqu'à aujourd'hui. Nous nous sommes appelés quelques fois pour prendre des nouvelles. Il s'est fait des contacts à l'hôpital et y est engagé à mi-temps dans les registres informatiques, je crois qu'il est aussi chargé de détection de virus ou Je-ne-sais trop quoi. Il dit que ça lui convient. Je crois qu'il a eu une aventure avec l'infirmière Rose mais il n'a jamais voulu m'en parler. Il est parti sans donner de nouvelles et je lui en ai voulu.
                              LIV
                         ( Actuel )
Le sentir contre moi me soulage mais m'inquiète à la fois. Je me sépare de lui er le regarde. Il n'a pas changé bien qu'il ait perdu du poids. Ses cheveux noirs qu'il dégage sur le côté sont toujours aussi soyeux. Ses yeux qui avaient l'habitude d'être souriant sont un peu ternes mais sont toujours aussi beaux. Je lui demande "Ça va toi?". Il hausse les épaules. J'essaye de sourire pour le rassure. " Et toi? " Je hausse les épaules. Il soupire. Il m'informe qu'il doit repartir à l'hôpital mais qu'on se reverra bientôt grâce à cet événement sportif. Je le prend une dernière fois dans mes bras et le laisse partir. Je rejoins Adèle à la sortie du lycée . Je lui raconte ma fin de journée et elle semble très enthousiasmée par Kim Taehyung. Elle dit qu'elle a hâte de revoir mon frère. Ils s'entendaient bien avant l'accident.
Je rentre chez moi et monte à l'étage. Je repasse devant la chambre de mon frère et entre dedans pour la première fois depuis qu'il est parti. Je me dirige vers la fenêtre en face de la porte et l'ouvre en grand. La poussière qui se met à voler me fait tousser. Je passe bien une heure à passer l'aspirateur et la poussière pour redonner à cette pièce une propreté acceptable. Je finis par sortir de sa chambre et referme la porte.

Laisse moi oublierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant