3. Renaissance et promesses

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J'enfile mon masque et lance un regard à la ville. Je rabats ma capuche, et lance une toile. Il est temps de partir.

Okay, ça mérite des explications. Je me suis... transformée. Depuis la soirée où j'ai rangé le bureau de Peter. J'ai compris bien plus tard. J'ai été mordue par une araignée étrange. En fouillant dans la chambre de Peter, j'ai trouvé des composants chimiques et j'ai compris: il a créé des araignées radioactives. Et l'une d'elle m'a mordue. J'ai obtenu des pouvoirs. J'ai appris des choses, des façons de faire. J'ai remarqué une certaine ressemblance entre mes aptitudes et celles de Spider Man. J'ai compris très vite à quoi étaient dues les « transformations » de Peter. On est dans la même mouise. Spider-Gwen et Spider-Man.

Réaliser qu'on est devenu une spider, c'est pas facile immédiatement. Je me souviendrai toujours de la fois il m'a semblé évident que j'avais changé. Lorsque j'ai accroché un poster, en équilibre sur une chaise, et que je me suis retenue au plafond par le contact de mes doigts quand celle-ci est tombée. Je suis restée suspendue dans cette position un certain temps, à chercher un moment de me décoller. C'est finalement en me roulant en boule contre le plafond et en poussant sur mes pieds que j'ai réussi à me projeter sur mon lit. Que je n'ai pas quitté pendant des heures, à fixer l'endroit où mes doigts avaient laissé une marque au plafond.

Mon nouveau costume est prêt. Je descends en plongeant. Puis lance une toile. Cette impression est géniale. Je me perche sur un building. La vue est belle. Je sors mes écouteurs de ma petite pochette, les mets dans mes oreilles et lance ma musique. David Bowie me chantonne Heroes.
"Though nothing, nothing will keep us together
We can beat them, forever and ever
Oh, we can be heroes just for one day..."

Je me dirige vers ma proie du jour : un immeuble entièrement blanc : nouveau bâtiment Stark. J'y vais en lançant mes toiles. Une fois arrivée sur le gratte-ciel, je monte en quatrième vitesse, déposer mon sac en haut. J'attrape ma bombe blanche, noire, rouge, jaune, bleue. Il est temps de rendre ce truc plus esthétique.

Je range mes bombes et consulte ma montre. Encore un peu de temps. Puis je me pose sur le gratte-ciel d'en face et consulte mon œuvre. Je suis fière, celui-ci est pas mal. Mes grafs sont des représentations parfois abstraites, et celui-ci, c'est un Iron Man, avec effet sortie de l'immeuble en cassant les briques. Je reste là, à observer mon tableau. Quand brusquement, mon sens d'araignée s'affole. Je me retourne. Une banque. J'accroche mon sac avec urgence et fonce. C'est un braquage, évidemment. J'arrive devant la vitre et regarde l'intérieur. Quatre gaillards. Facile. J'entre en désarmant le premier. Quelques toiles pour immobiliser les deux qui récupèrent les billets. Puis une toile, pas de moi, s'accroche aux sacs remplis de billets. Je me retourne : Peter vient d'arriver. Enfin, caché sous son masque. Il me lance :
-T'arrête de me piquer mon taf ?
-Rêve !
On immobilise d'une même toile le dernier. Remise des billets en coffre. Accrochage des voleurs ensemble. Les doigts dans le nez. Je consulte encore ma montre. Merde, en retard.
-Bon, j'me casse ! Tu gères !
Tu vas encore être à la bourre, Peter.

Je rentre à lentement dans ma chambre. Ferme ma porte. Puis j'enlève mon costume en quatrième vitesse et enfile un pull et un short. J'entends May dans l'entrée :
-Gwen ?
Je fourre mon costume dans un tiroir, et me précipite dans mon lit avec un livre. Elle ouvre juste au bon moment :
-Tu es rentrée ? Tu n'étais pas là tout à l'heure !
-Si. Mais j'étais...sur le... balcon.
-Le balcon ?
-Oui.
Merde. On a pas de balcon.
-Enfin sur le toit.
May ferme les yeux pour chasser ses questions et ses soupirs. Puis elle déclare :
-Tu as vu Peter ?
-Je suis là !
Je me lève et vais voir Peter dans l'entrée. May s'énerve :
-C'est une heure pour rentrer ?
-Oui ?
Le regard de May le pousse à broder :
-J'étais à un cours de rattrapage.
-Ha oui ? En quoi ?
-Arts... plastiques... ?
-Ça existe ?
-Ouais... pour les vraiment nuls...
-Et pourquoi j'étais pas au courant ?
-Parce que... Je... savais pas !
May lève un sourcil :
-Voyez-vous ça ?
-Ouais ! Je l'ai appris aujourd'hui !
May lève ses deux sourcils. Puis elle ferme à nouveau les yeux en secouant la tête, rapidement, puis les rouvre :
-On passe à table.

Le matin. Je me lève encore difficilement. Peter bondit hors de son lit et crie en passant devant ma chambre :
-On se lève, Gwen !
Je grommelle des insultes en français. Puis je me tire du lit et file chercher des habits. Quelques élastiques, des brosses à cheveux, me traîne jusqu'à la salle de bains... et soupire. Encore une fois, Peter s'est enfermé. Je décide de patienter, donc je pose mes affaires et vais manger. Rassasiée, je sors de la cuisine, ensommeillée. Je retourne chercher mes affaires et me dirige vers la salle de bains. J'essaie d'ouvrir la porte. Fermée. Je tambourine :
-Sors de là, gros naze !
-Rêve, je suis occupé !
-Bouge ton cul, je dois me doucher !
-T'attendras !
Peter, c'est vraiment un frère que je me suis fait. Je l'aime mais il m'insupporte à certains moments. Complicité, rires, exaspération, cohabitation. Il ouvre la porte.
-Libre, princesse.
Je lui lance un coup de coude qu'il contre. Je rentre dans la salle, un sourire malgré moi aux lèvres.

-Mlle Stacy, vous rêvez ?
Je sursaute. Non, je ne rêve pas, vieil idiot, mon sommeil est trop profond. Je relève la tête et m'applique à articuler :
-Non, Mr Johnson. Je suivais.
-Ha oui ? Hé bien, je suppose qu'expliquer ce que je viens de dire sera d'une simplicité enfantine.
Je jette un œil au tableau. Sourire. Oui, d'une simplicité enfantine.

-Johnson n'a jamais vécu une telle humiliation !
Je lève les yeux au ciel. Mary Jane dit encore des bêtises.
-Je ne l'ai pas humilié, MJ... J'ai répondu à sa question !
Elle lève un sourcil. On s'engage dans le couloir D, direction le réfectoire. Un coup d'œil au menu. On tourne les talons. Et on se retrouve face-à-face avec Flash. Il nous bloque le passage, son sourire niais aux lèvres. MJ lui lance aussitôt le regard de défi dont elle a le secret :
-Un problème ?
Flash s'apprête à rétorquer, mais sa petite amie intervient immédiatement :
-Absolument pas !
Sa petite amie, c'est Liz. Une fille vraiment belle, genre cheveux blonds, courts, en pétard, yeux bleus pénétrant, lèvres fines, ventre plat. Elle a un bon fond. Caché sous une bonne dose de cynisme et d'arrogance. Elle se la joue, mais MJ et moi savons à quel point elle est sensible. Elle attrape Flash par la main et l'entraîne dans le couloir. Des bribes de conversations arrivent à nos oreilles. On sait pertinemment pourquoi elle empêche Flash de taper tout ce qui bouge : le bal de fin d'année. Liz adorerait être élue reine, et voir Flash être son roi. Bon, d'accord, c'est pas tout de suite, et alors ? Il ne s'agirait pas qu'une retenue lointaine compromette ses chances d'être élue reine !

-Tu comptes aller lui parler, ou juste le dévorer des yeux ?
MJ sursaute et se recentre sur son livre. Je lève les yeux au ciel :
-Je t'ai vue, tu sais.
Elle rosit :
-Vue de quoi ?
Nouveau regard aux cieux.
-Si je dois le dire à voix haute, tu vas passer couleur tomate.
Elle me lance son regard de la mort, qui signifie que si je m'avise de dire quoi que ce soit, elle donne pas cher de ma peau. Elle ferme son livre en le faisant claquer et se lève :
-Tu sais très bien que c'est différent.
-Et si difficile ?
-Tu... tu n'as jamais eu à faire ça !
-Et alors ?
MJ me regarde, l'air abattu. Mais elle se ressaisit vite, tourne les talons et se dirige vers le bâtiment. Je cours à sa poursuite. Aujourd'hui, nous avons le club... Le club quoi, d'ailleurs ? Le club Tête d'Ampoules ? Je soupire en entrant dans la salle. Barney, Sally et Ned sont déjà là. Tyler rentre peu après nous, non sans avoir lancé un regard au couloir pour vérifier que personne ne l'a vu entrer. Je m'assieds sur une table :
-Les gars ! On s'appelle comment ?
Silence radio. Je soupire et continue :
-Si on veut se présenter au Decathlon académique, il faut qu'on ait un nom de groupe... Je veux dire... C'est même pas un club.
-Pourquoi pas les Tigers ? propose Tyler.
-On est pas dans une équipe de foot, Tyler, renchérit MJ.
-Ça dépend ce qu'on veut inspirer... réfléchit Sally
-J'aimerai bien un nom qui... Je sais pas, qui aille avec nous tous. On est un peu spéciaux, non ? rétorque Ned avec un haussement d'épaules.
-Ça, c'est sûr... marmonne Tyler.
-La B Team. C'est parfait, s'exclame Barney.
-La quoi ? je demande
-J'ai envie de vomir, renchérit cyniquement MJ.
Peter arrive en trombe. Il claque la porte et s'installe à une table :
-J'ai loupé quoi ?
-Tout, gros nigaud, je lui lance.
-On cherche un nom de groupe.
Nous réfléchissons tous dans nos coins. Puis Sally intervient :
-Et pourquoi pas les Heirs of Alan Turing ?
-Quoi ? lance Barney.
-C'est pas vrai ? elle renchérit. Aucun de nous ne sait s'intégrer. On est des génies. Asociaux. Mais des génies quand même.
-Tu crois qu'on aurait été capables de casser Enigma ?
-C'est pas la question !
J'y réfléchis. Ma décision est vite prise :
-Je marche.
-Moi aussi, s'enquit MJ.
-Ça me plaît, sourit Tyler.
-Bon pour moi ! s'exclame Ned.
-Moi aussi ! renchérit Peter.
Nous nous tournons vers Barney. Il s'indigne :
-Alan Turing était anglais !
-Ça pose problème ? lance férocement Peter.
Barney soupire :
-Comme tout le monde est d'accord... Go pour les HAT !
J'éclate de rire quand Mr Hood entre :
-Je vous ai inscrit au Decathlon académique des États-Unis, les enfants !
-Pas le enfants. Les HAT ! je réponds, hilare.
Je n'oublierai jamais la tête d'incompréhension de Mr Hood.

Gwen StacyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant