5. Bal, secrets, et entraînement

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Mon réveil sonne. Je saute du lit et me précipite à la salle de bains. Peter se prend la porte en plein fouet. Il frappe de rage :
-Non !
-Chacun son tour, gros malin !
Il continue de ruminer derrière la porte, tandis que je me laisse le temps de me prélasser sous l'eau.

-Il est vachement craquant.
Je lève les yeux au ciel. Deux mois entiers de taquineries, demandes répétées et autres papiers passés en classe pour ça ? Que Mary-Jane m'informe qu'elle trouve mon frère (cousin ? ami ? Je trouve pas le mot juste) mignon ? Je soupire et lance un coup d'œil à Peter, penché sur une feuille avec Ned. Son coquard n'est plus très visible, mais il m'inquiète. Il se fait des ennemis, et il se bat. Je sais pas trop pourquoi, mais j'ai l'impression qu'il n'est pas prêt. Et si on découvrait son identité ? Je repense à ma frayeur d'hier. Brusquement, je me fige. Je réalise. Peter m'a demandé de veiller sur May. J'ai pas officiellement accepté, mais c'est évident qu'il attend ça de moi. Et hier, j'ai eu la preuve que j'en suis incapable. Je secoue légèrement la tête. Ma culpabilité me donne des maux de tête. MJ fixe une affiche devant elle. Je jette un œil : « Bal de fin d'année ». Merde, j'avais oublié cette histoire. Je me retourne vers elle et lui lance un regard casanier :
-Tu rêvasses ?
Elle sursaute. Se replonge dans son livre. Elle me fait vraiment rire, parfois. C'est une fille sérieuse et droite dans ses baskets toutes défoncées, mais mon cousin lui fait tourner la tête. Je m'affale sur ma table, prête à dormir les minutes de pause qu'il me reste. Quand brusquement, une présence s'approche de notre table. Je sursaute : Harry Osborn. Il a l'air sérieux, fatigué, pas timide ni passionné. Je me laisse à nouveau tomber sur la table. MJ lui lance un petit sourire. Il demande, confiant et étrangement froid :
-Mary-Jane, je voulais te demander...
MJ relève la tête. Elle craint sa question.
-... tu serais tentée de venir au bal avec moi ?
Bingo. Je tente de camoufler mon rire dans mes bras. En vain. Un violent coup de pied m'arrive dans le tibias. Ouch. Mary-Jane relève la tête et fait un sourire très forcé :
-Avec plaisir, Harry.
Celui-ci hoche la tête, solennellement et s'apprête à partir. Je le retiens par le bras:
-Harry. J'ai appris pour ton père. Je suis désolée.
Il esquisse un sourire vide de tout sens et s'éloigne, l'air grave. Je lance un regard d'incompréhension à MJ :
-Tu as dit oui ?
Elle commence à ranger ses affaires. Je ne comprends toujours pas. Je jette un coup d'œil à l'horloge. On doit aller en cours de bio. Je range mes affaires à mon tour en continuant de la fixer. Elle met son sac sur son épaule et s'éloigne à grands pas. Je prends les cahiers restants dans mes mains et court à sa suite, le sac ouvert ballottant dans tous les sens. Elle ne me donne pas un regard. Je décide d'abandonner, et je me concentre sur le contrôle de bio qui m'attend.

-Agatha Christie !
-Bonne réponse !
Encore une fois... Mary-Jane est imbattable sur la littérature anglophone. Aujourd'hui, j'interroge. Les autres sont devant leurs clochettes et répondent aux questions. Depuis qu'on est inscrits pour le Decathlon Académique de Washington, on s'entraîne dès qu'on peut. Si on est pris, on doit être les meilleurs, on doit gagner. Je prends la carte suivante et lit la question :
-Si j'ajoute pi au carré à la somme de...
-Les enfants !
Nous nous arrêtons tous. Mr Hood brandit un papier au-dessus de sa tête :
-Vous êtes pris !
On s'exclame tous de joie. Je vais prendre Sally dans mes bras, qui pleure presque, et aussi Mr Hood, qui a donné à fond pour qu'on soit pris. Une fois l'euphorie générale retombée, je me replace sur mon pupitre :
-Bon, les nazes, vous voulez le gagner ou pas, ce Decathlon ?
Les HAT me sourient. L'entraînement intellectuel n'est pas fini.

-Ça m'est complètement égal.
Je lève les bras au ciel et me lève. Ils sont pas là pour m'améliorer la tâche, ces deux-là ! Je regarde mon cousin, qui coupe ses légumes dans notre cuisine. Il a une expression neutre. Mais ses yeux sont remplis de tristesse. Je lève les yeux au ciel et me rassoies en face de lui :
-Ça ne te fait rien ?
-Non.
-Rien de savoir qu'elle y va avec ce nul ?
-Hé !
Je lève un sourcil.
-Harry est mon ami.
Nouveau regard furtif vers le plafond. Je le regarde souvent, en ce moment. Il pointe un couteau vers moi d'un air accusateur :
-Tu ne serais pas aussi insistante parce que toi même tu cherches un cavalier ? On m'a dit que Tyler...
J'ouvre des yeux ronds :
-Non ! Je n'irai même pas à cette soirée pourrie !
-Je t'aime beaucoup, Gwen, mais...
Il se marre :
-Tu es ridicule quand tu t'y mets !
Je suis tentée d'attraper le verre posé à côté de moi et de lui éclater sur le crâne. Mais je me contiens et demande :
-D'où vient cet œil au beurre noir ?
Il s'arrête de rire net. Puis recommence à couper ses légumes, crispé. Je pose ma main sur la sienne :
-Peter.
Il s'arrête de couper et me regarde.
-Où tu t'es fourré pour qu'on te frappe comme ça ?
Il dégage sa main et amène sa planche à découper vers la marmite. Il verse les carottes et courgettes dedans d'un geste violent. Je ne le reconnais pas. Il plaque ses mains sur le bord de l'évier et dit froidement :
-Le bouffon vert.
Je sens un frisson me parcourir. Je ne sais pas ce que c'est, mais ça m'effraie déjà. Il se retourne, toujours solidement accroché à l'évier et continue :
-Je ne sais pas ce que me veut ce type. Mais il n'arrête pas de me poursuivre, d'attirer mon attention puis de disparaître... Il joue avec moi. J'ai l'impression qu'il sait des millions de choses sur moi. Je...
Je me fige. Une larme vient de couler le long de sa joue. Il l'essuie précipitamment et se retourne vers le plan de travail. Je me lève et vais le prendre dans mes bras :
-Peter...
-J'ai peur pour vous. J'ai peur qu'il connaisse mon identité et s'en prenne à vous.
Cette pensée me donne l'impression d'une boule dans la gorge. Je le serre encore plus contre moi.

Gwen StacyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant