- 4 -

11 3 0
                                    

Le lendemain du jour où mes parents sont rentrés tard, je suis arrivé après ma sœur et ma mère, pour une fois.

Elles discutaient, mais dès le moment où elles me virent, elles se turent.

Plus suspect que ça tu meurs...

Ella s'approcha me faire une pichenette sur le front.

- Hey Caillou ! me salua-t-elle.
- Ella... Arrête de m'appeler comme ça... s'il te plaît...
- Je fais ce que je veux, non ? dit-elle en me tirant la langue. Bref, j'y vais à plus !

Elle fait un signe de main avant de sortir. Je regarde ma mère, essayant de comprendre ce qui se passait, mais elle se contenta de hausser les épaules avant de se diriger vers la cuisine.

C'était vraiment étrange. Ma mère savait forcément où ma sœur était partie, sinon elle ne serait pas sortie si facilement... Mais il était absolument impossible de soutirer des informations à ma mère, je suis donc allé faire mes devoirs dans ma chambre sans rien dire de plus.

Aux alentours de dix-huit heures trente, voyant qu'elle n'était toujours pas rentrée, j'envoyai un message à ma sœur:

Moi: 18:32
Hey, de quoi elle te parlait tout à l'heure maman ?
Vu à 18:32

Ella: 18:35
C'est des affaires de fille, Caillou.

Moi: 18:35
Alleeeez, dis !
Vu à 18:35

Ella: 18:39
...
C'est pas tes affaires, vraiment.

Moi: 18:39
Ça va pas ?

Ella: 18:40
Ben si, pourquoi ?

Moi: 18:40
D'habitude tu me dis tout...
Et puis... je sais pas mais tu parles bizarrement.

Ella: 18:41
Désolée, je suis juste pas d'humeur là.

Moi: 18:41
Qu'est-ce qui s'est passé ?
Vu à 18:41

Ella: 18:50
Je serai pas rentrée pour dîner, désolée.

Moi: 18:50
MAIS EXPLIQUE BORDEL !
Vu à 18:51

Moi: 19:00
T'es où ?
Vu à 19:20

Moi: 19:30
Répond bordel !
Distribué

À vingt heures, elle n'avait toujours pas vu mon SMS. Dans ma tête, c'était le souk. En temps ordinaires, elle répondait plutôt rapidement... Et là elle n'avait même pas ouvert son message en trente putains de minutes, ce qui n'arrivait que quand elle était en cours, habituellement.

J'essayai donc de l'appeler, mais je tombe directement sur le répondeur. Trois options: soit elle était en train d'appeler quelqu'un, soit elle n'avait plus de batterie, soit elle avait éteint son portable pour une raison qui m'était inconnue.

Quand mes parents me demandèrent de venir manger, j'y allai, et, voyant qu'ils ne semblaient pas s'inquiéter du fait qu'Ella n'était pas rentrée, je leur demandai si ils savaient où elle se trouvait.

Seuls le silence et les regards insistants qu'ils s'échangeaient me répondirent. Ils semblaient débattre tacitement, les yeux plongés dans ceux de l'autre. Quand ils se rendirent compte que j'étais toujours là, mon père me dit simplement de continuer de manger.

- MAIS EST-CE QUE QUELQU'UN VA ENFIN SE DÉCIDER À ME DIRE CE QUI CLOCHE AUJOURD'HUI PU... À LA FIN ?!

J'avais crié dans le vouloir. Mes parents me regardèrent comme si je m'étais changé en bête sauvage. J'avoue que je les comprends, d'un côté. Il est très rare que je m'énerve comme je l'ai fait ce jour là. Je suis le genre de mec qui pardonne tout. Ou presque...

- Commence par te calmer, jeune homme. Ensuite explique nous ce qui ne va pas, me dit mon père de sa voix ferme, autoritaire, et surtout, sans aucune empathie.

- Pourquoi vius ne me répondez pas directement ? Pourquoi vous la détestez ?!

Mon père frappa du poing sur la table.

- Tais-toi Pierre ! On t'a demandé de te calmer !

Je me levai, les poings serrés. J'en avais assez.

- Déjà c'est pas en me criant dessus que je vais me calmer, ensuite pourquoi tu dis on alors que maman n'a rien dit ?

Mon père se leva à son tour et sa main vola jusqu'à la joue.

Après un regard empli de colère, je vais dans ma chambre et claque la porte en faisant le plus de bruit possible.

J'avais tellement envie de crier pour bannir leurs silences. Je voulais tellement crier ma rage, mon incompréhension. Je voulais tellement hurler que la façon dont ils traitaient ma sœur était injuste. Je voulais tellement crier seulement pour crier. Juste parce que ça m'aurait fait me sentir mieux. Crier juste pour détruire le silence dans lequel ma famille semblait être murée.

Ce que je demandais était simple pourtant. Pourquoi diable personne ne voulait – ou pouvait ? – y répondre ?

Je m'affalai sur mon lit, sortis mon portable et tentai à nouveau de joindre Ella. Elle répondit après plusieurs sonneries:

- Allô ?
- Tu comptes m'expliquer ou pas ?

Elle soupira en entendant ma voix qui était sur le point de craquer à nouveau.

- Je suis désolée Pierrot mais je peux pas te parler maintenant...
- Putain Ella, tu fais chier ! Pourquoi tu ne peux pas parler ?!

- Pierre. Tu n'es pas le seul à être fatigué par la situation alors laisse moi respirer un peu, non ?! fit-elle d'un ton énervé.

Je restais sans voix après ces paroles. Aussi loin que je me souvenais, je n'avais jamais vu ma sœur s'énerver réellement, même quand elle se disputait avec nos parents elle gardait son calme, prenant juste une attitude de glace.

Je bafouillai un vague, mais sincère, désolé.

C'est à ce moment là que j'ai commencé à comprendre. C'est à ce moment là que j'ai commencé à m'en vouloir. J'aurais dû les voir. J'aurais dû les sentir, savoir qu'elles étaient là, cachés derrière cet éternel sourire. Toutes ces émotions, toutes ces larmes refoulées, tous ces cris étouffés, toutes ces craintes habilement dissimulées. Après tout ma sœur n'était pas une déesse, une extra-terrestres ou quoi que ce soit dans le genre. Elle était bel et bien humaine. Elle n'était pas parfaite comme je l'avais longtemps pensé.

Maintenant que j'y repense, notre relation a toujours été particulière. Contrairement à mes amis qui avaient des frères et sœurs, on ne s'était jamais battus. Certes, on se lançait des piques très souvent, mais, elle était comme une sorte de meilleure amie qui partageait mon sang.

Certains disent que les liens du sang sont les plus forts. Dans ce cas c'est très vrai, mais il ne faut pas oublier la relation qu'Ella entretient avec nos parents... C'est comme quand on dit que le fruit ne tombe jamais bien loin de l'arbre. C'est complètement faux ! Il arrive que le fruit roule bien loin, s'éloignant le plus loin possible du chemin de ses parents, de son arbre.

Enfin... Je m'égare.

and then she disappearedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant