Prologue

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- Bien, monsieur Taumen, vous êtes prêt à commencer ?

L'intéressé, assis au bord d'une chaise, ne leva pas les yeux vers la femme qui lui parlait. Ce qu'elle disait importait peu. Il ne redoutait qu'une seule chose, horrible et perfide, qui menaçait à tout instant de le faire basculer dans un accès de folie.

La crainte le gagna et se propagea en lui, doucement, vicieusement, sans qu'il ne pûsse la repousser. Elle s'infiltra dans son esprit, en prit le contrôle. Elle se changea alors en une peur panique grandissante. Son sang se glaça dans ses veines, une terreur sourde l'aveuglait. Ses pensées ne conservaient aucune cohérence; ses lèvres refusaient de s'ouvrir pour répondre à la question. Paralysé par l'angoisse, il ne pensait qu'à son cœur qui tambourinait si vite dans sa poitrine, son sang qui battait à ses tempes lui donnant la migraine.

Il se recroquevilla sur lui-même, plaqua ses mains sur ses oreilles.

- Tic, tac, tic, tac, murmura-t-il doucement.

Puis sa voix prit de l'ampleur.

- Tic, tac, tic, tac, criait-il comme une litanie.

Ses balbutiements devinrent de moins en moins clairs, sa bouche se fit pâteuse.

- Tic...tac.

La voix rauque, il finit par se taire. Son accès de folie, lui, prit de l'ampleur. Tassé sur lui-même, l'homme entama un mouvement de balancier. Il se penchait en avant, articulait silencieusement "Tic" puis repartait en arrière et mimait un "Tac" sourd.

Il transpirait, ses cheveux bruns trempés de sueur collaient à son front. Et il ne cessait pas de se balancer. Avant. Tic. Arrière. Tac. Et il continuait, incapable de s'arrêter.

Son esprit divagait, son corps agissait.

Il se perdait, dans un océan empli de ténèbres. Il se noyait, dans les eaux sombres. Il coulait. Personne ne le relevait. Il paniquait. Personne ne le rassurait.

Et puis... Il y avait ces sons horribles et ces voix qui le rendaient malade.
"Tic", "Tu sais à quel point je t'aime, non ?", "Tac", "Je te déteste ! Je te déteste, je te déteste !".

L'homme hurla. Le son s'échappa des profondeurs de sa gorge, empli de toute sa peur, sa rage et sa souffrance :
- Arrêtez !

Mais rien ne cessa, au contraire, tout s'amplifia. Tic, tac, tic, tac, le son vrillait dans son crâne, perçant et tétanisant. Il avait l'impression que les secondes défilaient plus vite que d'habitude, le son horrible accélérait. Tic, tac, tic, tac, tic, tac, il était impossible à arrêter.

Soudain, le "Tic, tac" s'estompa légèrement, une voix féminine perça la bulle de folie qui écrasait son cerveau.

- Monsieur Taumen, concentrez-vous sur le son de ma voix... M'entendez-vous ?

Les sons lui parvenaient étouffés mais lui parvenaient quand même. Il s'immobilisa, à l'affût.

- Continuez, concentrez-vous. Tout va bien, je suis là. Je vais vous aider monsieur Taumen !

M'aider ? s'étonna silencieusement le malade. Personne ne peut m'aider, il veille ! Cette femme veut me détruire en me donnant des espoirs illusoires ! Elle est de son côté. Elle est le mal.

Et cette certitude balaya l'aura de protection qu'avait installée la simple présence de la femme. Les voix revinrent, plus puissantes, plus terribles encore que jamais.

Tic, tac, tic, tac. L'homme voulait fuir. Il pressentait un danger. Un danger imminent !

Tic, tac, tic, tac. Vite ! Il fallait se mettre en sécurité ! Mais où ? Il n'en savait rien. Et il n'avait aucune idée de la menace qui planait sur lui, simplement de son importance.

Tic, tac, tic, tac. Le temps fuyait trop vite, il aurait voulu s'échapper avec lui, s'égrainer comme les secondes. Les secondes qui étaient libres, alors que lui ne l'était pas. La terreur le maintenait prisonnier et il ne put qu'assister au départ précipité du temps.

Tic, tac, tic, tac, rien ne le retenait.
Tic, tac, tic, tac, rien ne l'arrêtait.
Tic, tac, tic, tac, il se rapprochait du moment fatal. Du danger inévitable.

Tic... Fuir !
Tac... Courir !
Tic... Vite !
Tac...

BOUM.

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