La Vengeance Du Monde

NEUF

- Déjà debout, Hilo ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

Charlie se retourna soudain, quittant des yeux la plaine qu'elle observait, juchée sur des caisses empilées.
Le ciel était sublime et étrange, comme reflétant la violence de ce monde, et littérairement représenté par les couleurs que Charlie pouvait observer au dessus de sa tête à cet instant même : un horizon mêlé d'orange et de violet, passant même par le rouge.

C'était beau.
C'était flippant.

- Je pourrais te retourner la question, répondit-elle mécaniquement alors qu'elle connaissait déjà la réponse.

André esquissa un sourire et se contenta d'escalader la petite tour improvisée de caisses, puis s'assit lourdement près de la jeune fille ce qui en fit trembler la pile.

- J'étais de garde, moi.

Charlie aquiesca.
En sortant de la tente il y a une heure, elle avait aperçue André et Dewan surveiller les alentours, chacun de son côté. L'un ne faisait que tourner en rond en soupirant, l'autre, l'arme à la main, semblait à l'affût du moindre bruit.

- Je croyais que tu devais surveiller Cassien ?

- C'est le cas. Mais son état est stable. Tu n'as pas de quoi t'inquiéter. Il est juste inconscient pour quelques temps, au maximum quelques jours. C'est ce qui arrive après un choc émotionnel ou une grande perte de sang.

La jeune fille hocha de la tête. Lorsqu'elle s'était réveillée, son premier réflexe avait été d'aller voir si Cassien dormait toujours. En effet, le garçon avait les yeux fermés, l'air un peu plus paisible que la veille.

L'air était frais, l'hiver se faisait déjà ressentir. Le paysage qui les entourait, malgré la forêt aux arbres perdant leurs feuilles, le brouillard sur la colline et le froid dans le creux où ils avaient installé le camp, était ce qu'il y avait de plus chaleureux aux yeux de Charlie. Dans la Base, tout était terne et humide. Ici, l'air était pur et le vent gelé qui s'infiltrait sous ses vêtements ne faisait que donner davantage à la jeune fille cette envie de liberté.

Ce calme lui paraissait familier, et elle se demanda si sa vie d'avant n'avait pas été aussi reposante que cette sensation qu'elle avait ce matin-là, quand tout ses problèmes s'étaient envolés de son esprit pendant de courts instants.

Pourtant, le moindre mouvement de tête la ramenait à la réalité : le campement à sa droite, l'arme d'André près de sa hanche, et le visage de celui-ci, aux traits tirés, fatigués par la guerre.

- Je voudrais participer aux tours de garde.

André arqua un sourcil, plutôt amusé par cette initiative.

- Et bien... Oui, je suppose que c'est une bonne idée. Tu devrais en parler à Amsès.

Charlie hocha la tête et laissa le silence s'infiltrer entre eux.
Elle savait qu'elle partirait la nuit prochaine, mais passer une journée à rien faire la rendait nerveuse puisque sa tête avait tout le temps pour s'inquiéter et se poser des questions. Si elle se trouvait des tâches, elle pourrait oublier ses doutes et s'occuper les mains et l'esprit.

- Eh, Hilo. Tu en penses quoi de tout ça ?

- Quoi ?

- De ce qu'on a parlé hier soir tous ensemble : les Monstres, le fait que quelqu'un les dirige, les doutes d'Adam...

- Adam a raison, on nous cache des choses.

- C'est pour ça que tu t'es enfuie de la Base pour nous accompagner ? Tu veux découvrir ces secrets ?