Chapitre III

306 19 8
                                    

J'ai endossé la combinaison orange depuis bientôt une semaine.

Angie m'a complimenté en me disant que la tenue m'allait bien au teint et que malgré ma malchance, voilà au moins un truc qui me réussisait.

Dois-je vraiment la remercier pour une telle remarque ? J'ai sué dedans autant que je l'aurai fait pour un marathon. La différence c'est qu'en faisant 42 km, j'aurais pu échapper aux remarques racistes de Faust et de ses acolytes. Composée des frères Boris et du gringalet Stan, il me rappelait sans cesse mes origines. Ce qui les amusaient consistaient à m'appeler par des noms de plats mexicains. Ah, ah, ah.

Je venais justement d'entendre FAJITAS au loin. La même voix me demandait de nettoyer sa partie puisque je devais avoir l'habitude, avec toutes ces clandestines femmes de ménages dans ma famille.

Je me suis retournée vers eux sans savoir lequel avait parlé. Pas Faust. Sa voix était plus rauque. J'ai roulé des yeux, fatigués de devoir chercher à qui je devais lancer un regard noir et des signes irrespectueux. Leur casser la gueule était une option alléchante mais pas équitable pour le moment...

- Quelle taille fais-tu ? m'a demandé Faust alors que je leur avais tourné le dos. RETOURNE-TOI.

Faute de ne pas l'avoir écouté, ce que j'ai entendit ensuite m'a encore moins plu. Des pas se rapprochaient rageusement de moi. À peine le temps de ne pivoter que Faust m'a fait face. Il m'a violemment pris le bras. Mauvaise idée. Son contact sur ma peau m'a refilé des frissons. Je me suis retirée de ses mains avec force. Le krav-maga a des avantages.

- Dit-moi, tu es sourde en plus d'être muette ?

J'ai soufflé sous son regard de plus en plus sombre. Tu perds ta couleur grise, joli yeux.

- Les mexicaines sont toujours trop petites, a-t-il craché. Tu dois faire 1m60 à tout cassé ?

1m62, connard.

- Ne serait-ce pas pour mieux sucer, mon enfant ?

Voilà qu'il se prend pour le grand méchant loup maintenant. Schizophrénie, quand tu nous tiens.

- Tu n'aurais même pas besoin de te mettre à genoux pour atteindre mon entre-jambe.

Merci de l'info, au cas où j'aurai besoin de taper dessus ! Le plus humiliant restait ses potes derrière lui. Tel un orchestre, ils mimaient en coeur l'acte de la fellation. Leurs langues soulevaient la paroi de leurs joues blanches sous l'ordre imaginaire de leurs mains. Puis, satisfaits, ils se sont réparti les jobs en ricanant.

C'était cela la bonne nouvelle. Leur provocation ne durait jamais très longtemps. Le soleil rendait nos tâches difficiles. Tout le monde se mettait au travail en silence pour en finir le plus rapidement possible. Mexicains, afro, américains, nous étions dans la même galère. Nos mains s'abimaient à l'unisson. Nos soufflements d'efforts rythmaient les journées. Et puis même si Faust ne risquait pas de revenir s'asseoir à côté de moi dans le car, je n'étais plus seule. Kelsey Donovan l'a remplacée dès qu'elle a su que quelqu'un pouvait supporter ses monologues sans lui dire de se la fermer.

C'était une petite blonde aux tâches de rousseur éparpillés de son nez en cochon à ses yeux verts. Elle aimait les rumeurs, les beaux garçons et les œuvres de charités. Ainsi que la mode plus que-tout mais c'était devenu un sujet tabou : ses travaux d'intérêt général compensaient des vols à l'attelage commis pour cette passion.

Je ne l'écoutais que très peu, nullement intéressé par sa vie. Sauf que tout en elle, sa peau de porcelaine, son air innocent, sa silhouette fine qui la rendait plus fragile qu'elle ne l'était déjà, m'empêchait de l'envoyer balader. C'était une infatigable. En ce moment même, alors que je souffrais en bossant, elle trouvait encore la force de me raconter le dernier film qu'elle avait vu : The Fault in our Star.

Orange is the new black. (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant