Note 3 : Couleur innocence

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Un peintre répondant au nom de Grigore Blas était très célèbre dans son pays. Les divers artistes roumains qui se rendaient aux exposition local ne connaissait que trop bien ce nom. Néanmoins, ce n'était pas comme cela que les gens l'appelait, mais Grigore l'artiste fou. Ce vieil homme quelque peu dégarnis, ne se contentait pas de peindre mais vivait et respirait l'art. La moindre tâche, le moindre pot cassé, la moindre assiette sale était un chef d'œuvre selon lui. Sa folie était telle, qu'il surnommait les concierges de ses expositions les "Anéantisseurs d'art" et les chassaient des qu'il les croisait du regard. Ses toiles furent tout aussi dérangeante que son attitude. Elles ne semblaient appartenir à aucun style précis, pourtant tout le monde était unanime pour dire qu'il s'agissait bien des peintures de Grigore. Celles-ci dégageaient une aura oppressante et les formes qu'elles représentaient ne manquaient pas de choquer la morale publique. Parmis ces atrocités, on pouvait distinguer une plaine verdoyante, où se situait un âne dévorant le crâne d'un homme souriant à la lune. Ou encore une seconde peinture à l'huile, où était représenté un âne gigantesque, écrasant une femme sous ses lourd sabots. Le peintre avait une réelle fascination pour ces animaux qu'il considérait comme incarnation du divin, ainsi, il devait leur rendre honneur en les peignant. Celui-ci dévoila monstruosité après monstruosité, ce qui lui valu annulation et interdiction de ses prochaines expositions. Ses œuvres ne trouvaient alors acheteurs que chez les marginaux et les fous. Ainsi, cet homme étrange dépérit seul dans sa folie, réalisant ses dernières toiles avec son propre sang, faute de moyens.

Grigore Blas quitta ce monde dans une dernière aberration qu'il avait inscrite dans son testament. Un pinceau devait être réalisé à l'aide de ses quelques cheveux restant, puis céder à son neveux pour qu'il réalise une dernière peinture.

Le petit français n'avait alors que 8 ans lorsqu'il reçut le pinceau accompagné du souhait de son oncle. La famille n'avait jamais entendu parler de la folie du peintre et était convaincu qu'elle se devait de réaliser le vœux de ce grand artiste. Ce jeune garçon entrepris alors de peindre dans le garage de la maison.

Il saisissa l'objet, le trempa dans un pot de peinture bleu puis commença à l'appliquer sur la toile que son père venait d'acheter. Celui-ci resta derrière son enfant à observer la scène et à lui fournir quelques conseils.

— Tu t'en sort bonhomme ? demanda t-il à son fils.

— Oui papa, je commence par faire le ciel ! s'extasia t-il.

— Très bien, mais évite de t'en mettre plein les doigts, précisa le paternel.

Très rapidement, une sensation désagréable s'empara du garçon. C'était comme si un million de fourmis couraient sur son avant bras.

— Papa ! Je veux arrêter ! s'écria l'enfant.

— Qu'est ce qu'il y a ?! rétorqua t-il en accourant vers le petit.

Tout à coup, le bras du jeune garçon fut pris de violent spasme. Le pinceau effectuait alors des mouvement brusque et concis. On aurait dit qu'il commençait à peindre de lui même.

— Aide moi papa ! implora le garçon qui commençait à sangloter.

— Mais lâche ce pinceau ! ordonna son géniteur qui lui agrippa le bras gauche en tentant de le maintenir en place.

— Je ne peux pas ! hurla t-il.

Les allers et retours du pinceau dans la peinture, ne manquait pas d'emporter les deux hommes à chaque élan. Ils furent épuisés et priaient pour que cette monstruosité s'arrête rapidement. Entendu ou non, l'outil se stoppa net, les renversant au sol.

En se redressant, le jeune garçon ne pouvait que contempler la magnifique toile qui venait d'être réalisée. Celle-ci dévoilait un lac entouré de forêt, dont les cascades de la montagne voisine s'y déversait. Le petit remarqua l'âne qui se situait au sommet, avant de surprendre son père effectuer le signe de la croix.

— Qu'est ce qu'il y a papa ? demanda le petit garçon, fasciné par ce qu'il venait indirectement de peindre.

Le chrétien resta sans voix. Il venait de distinguer un visage dans les traits de peinture qui composaient le lac. Le visage de Grigore Blas.

Plume d'octobreWhere stories live. Discover now