09. Tudor

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Et un nouveau chapitre ! Un ! Merci pour tous vos commentaires et retours, c'est bien chouette.

Alex s'était endormi dans un coin caché du Parc, à l'abri des éventuels élèves qui exerceraient des représailles pour ses faits d'armes. Seul et fatigué. Mais heureux. Ce samedi matin, il avait réussi à éviter une bagarre avec deux Gryffondor qui lui en voulaient pour une sombre histoire d'amourette cachée – la leur, pas la sienne. Cela avait été facile de les immobiliser, mais il en ressentait quand même de la satisfaction. Le goût des affaires réglées, sans nul doute.

Il était mi-octobre et le froid commençait à revenir : yeux fermés, le corps d'Alex était parcouru de quelques frissons et autres soubresauts. Le froid et l'angoisse transparaissaient, mais son visage était paisible. Il rêvait à des choses belles, des choses douces, comme le soleil dans les cheveux de Hannah, son sourire et la légèreté de l'existence. Un joli rêve en somme, mais tellement lointain, tellement fantasmé qu'il s'était mis à attendre son propre réveil. Du reste, il avait un léger sourire dont il ne se rendait pas compte.

Il était beau à voir. Alex était de ces garçons aux traits impeccables ; noble, droit, pâle, comme dessiné par un peintre. Il transpirait la noblesse de son rang, de son existence qui n'avait jamais été compliquée – si on exceptait sa capacité à tomber amoureux de Gryffondor aux cheveux blonds et bouclés. À son poignet, brillait une montre de la marque Tudor – une marque suisse et moldue. C'était un cadeau de la part de Roman, pour son dix-septième anniversaire. Il avait trouvé ça amusant de lui offrir un objet non-magique, lui qui ne connaissait que le monde sorcier.

Roman n'osa pas le réveiller. Il l'avait trouvé aisément. Alex se cachait dans ce coin depuis trois ou quatre ans, quand il avait compris que ses camarades n'allaient jamais le suivre dehors en plein hiver. C'était son coin à lui ; même dans un château aussi grand que Poudlard, ils en avaient besoin. Il était vite fait de croiser d'autres personnes qu'on ne voulait pas voir. Roman le regarda dormir quelques minutes, ou peut-être une heure. Il nota dans sa tête, encore une fois, les traits de son visage, la couleur de sa peau, et les grains de beauté.

Il attendit patiemment. Il n'était pas pressé. Il avait juste un peu froid.

— Ça fait longtemps que t'es là ?

Concentré sur le froid et ses pensées bien trop nombreuses, Roman avait oublié qu'il était en train de regarder Alex. Il sursauta légèrement, cligna des yeux et sourit à Alex qui avait ouvert les yeux.

— J'en ai pas la moindre idée.

Alex se redressa, en s'étirant. Si le coin était tranquille, il n'était pas du tout confortable. Il eut un petit sourire en voyant Roman se frotter les mains, l'une contre l'autre, pour lutter contre le froid ; Roman ne supportait pas le froid. Pas du tout. En octobre, il sortait la cape de sorcier, le bonnet et l'écharpe qu'il gardait jusqu'au mois d'avril, si tout allait bien.

Compatissant, Alex sortit sa baguette magique pour faire un feu magique – le genre qui résistait au vent et ne brûlait pas l'herbe. Roman s'empressa de s'y réchauffer les mains.

— Alors, je suppose que tu n'es pas venu là pour me regarder dormir.

— Non, même si je dois avouer que tu es mignon quand tu dors.

— Comme si c'était la première fois que tu me regardais dormir.

Ils échangèrent un sourire amusé, un sourire doux – le genre de sourire qu'ils se retenaient de s'échanger quand il y avait d'autres personnes autour d'eux. Parce qu'à bien observer, on pouvait remarquer qu'au travers de ces sourires, il y avait une certaine tendresse – un peu ambiguë.

— J'ai des nouvelles sur Iris Carter, si tu veux.

— Bien sûr que je veux.

— Une potion d'Aiguise-méninges a conduit un élève de Poufsouffle à Sainte-Mangouste. Réaction allergique, il paraît, ou défaut de fabrication. Elle n'a pas encore été punie parce que l'élève refuse de donner son nom. Mais tout se sait.

— Hum, et je suppose que c'est un peu la manique pour les élèves réguliers d'Iris ?

— Tout à fait.

Alex réfléchit rapidement à la situation, qui l'arrangeait pas mal. Si tout le monde était concentré sur Iris, on le laisserait tranquille quelques temps. Il nota néanmoins qu'il fallait qu'il parle à la Serdaigle. Il y avait peut-être une possibilité d'alliance, qui le sauverait.

— Tu pourrais te renseigner sur les clients d'Iris ? demanda Alex.

— Tu crois que j'ai attendu que tu me le demandes pour le faire ?

Roman sortit un papier de sa poche, plié en quatre et le passa à Alex. Il y avait la liste de tous les élèves qui avaient demandé une potion à Iris, qui était connue pour son talent et ses prix au rabais. Alex la parcourut des yeux rapidement, et la rangea dans sa poche à lui. Il avait le grand sourire de ceux qui savaient qu'ils avaient un temps d'avance, sur tout le monde.

— Merci, t'es super, Holmes !

— De rien, Watson.

Roman continua de se réchauffer les mains avec le feu magiquement créé par Alex. Maintenant qu'il avait fini de dire ce qu'il avait à dire, il aurait pu rentrer au Château, se rouler dans sa couette et attendre le lendemain, au chaud. Mais il aimait bien la présence d'Alex. C'était rare de pouvoir se voir que tous les deux : ils évitaient vis-à-vis du regard des autres. Hannah s'en moquait qu'ils passent du temps ensemble ; elle le savait mais n'y prêtait aucune attention.

Du moment qu'ils continuaient à l'aimer, elle, ils pouvaient s'aimer eux.

— Tu peux rentrer, si tu veux, dit Alex. Moi, je vais continuer de me cacher encore une petite heure.

— J'ai pas grand-chose à faire à l'intérieur, à part avoir chaud, tu sais.

— T'as l'air fatigué.

— Je le suis.

Alex prit les mains de Roman dans les siennes.

Il aurait voulu pouvoir les réchauffer bien plus vite et effacer les cernes de Roman, et sa fatigue. Mais, non. Il lui prit seulement les mains. Il y avait dans ce geste autre chose qu'une volonté de réchauffer les doigts rouges du Serdaigle, quelque chose d'infiniment plus grand, plus fort, qu'aucun d'entre eux ne verbalisa.

Pas maintenant.

Pas besoin.


NB : Roman connaît Iris Carter depuis l'enfance, grâce à leurs parents. Ils ont le même âge. Elle n'a jamais supporté qu'il soit en couple avec Hannah.

Cela n'a rien à voir avec Sherlock HolmesWhere stories live. Discover now