04. Embryotége

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Avec cette fanfiction, vous pouvez apprendre de nouveaux mots tous les jours, n'empêche. Allez, un chapitre encore un peu doux. Enfin, un peu seulement. Bonne lecture !


— Je n'ai vraiment pas l'habitude d'aller dans le monde moldu.

Hannah rigola en voyant que Alex ne semblait vraiment pas à l'aise avec son jean et sa chemise à carreaux, au milieu des moldus qui faisaient leur shopping ce samedi après-midi. Il était vrai qu'ils allaient rarement dans le monde moldu, tous les deux. Alex était de ces sangs purs qui n'avaient jamais côtoyé de moldus et qui avaient tout appris par leurs camarades nés-moldus ou sang-mêlés – Hannah et Roman, dans son cas. Il ne trouvait aucun attrait au Londres moldu et le style vestimentaire des Londoniens le laissait parfois perplexe.

— On ira sur le Chemin de Traverse, tout à l'heure. Pour la boutique des frères Weasley et m'acheter un chat.

— Tu veux un chat, toi ?

— Oui, j'ai décidé ça pour mon anniversaire. Un chat que j'appellerais Gryffondor. Il faut qu'il soit roux.

— Tu m'épuises, Hannah.

Contrairement à ce qu'il disait, Alex avait un sourire attendri. Hannah semblait presque détachée en annonçant son plan d'avenir – un plan qu'il n'osa même pas contredire même si un chat n'était un choix judicieux pour quelqu'un qui oubliait toujours tout.

— J'ai ramené de la bière moldue, on va boire ça quelque part ? proposa, sans transition, Hannah.

Alex grimaça, quand même : la bière moldue n'était pas exactement sa boisson préférée, mais il ne pouvait rien refuser à Hannah. C'était ainsi depuis qu'ils se connaissaient. Ils se dirigèrent vers un parc de Londres et s'installèrent dans la pelouse. Dans le parc, les enfants jouaient et les parents surveillaient ; les moldus avaient encore cette innocence que les sorciers n'avaient plus. C'en était presque reposant.

— Alors, tout va bien chez Roman ?

Ce fut la question qu'Alex posa, pour ne pas lui demander comment elle vivait le deuil de ses parents – ça aurait été bien stupide, comme question. Hannah sourit en décapsulant les bières. Elle en but quelques gorgées avant de répondre :

— Tout va bien, oui. Ma petite-soeur est venue passer quelques jours chez lui. J'ai expliqué à ma tante que j'étais une sorcière, du coup. Avec l'accord du Ministère. Bien sûr.

— Bien sûr.

Elle expliquait cela comme on parle d'une bonne note, ou du beau temps. Sans émotion particulière. Alex savait qu'elle se retenait, pour ne pas lui faire peur. Il attendait le moment où elle craquerait – il savait qu'il viendrait. Ils gardèrent le silence le temps de vider un peu les bières, de s'ennivrer un peu.

— Ta soeur a compris, du coup ?

— Elle est moins idiote que moi, donc oui. Elle m'a demandé pourquoi les Mangemorts avaient fait ça. J'ai eu du mal à répondre.

Là, Alex sentit que c'était plus compliqué pour Hannah, qu'il y avait derrière la mort de ses parents quelque chose de bien plus grand, de bien plus intense. La guerre des sorciers. Cette histoire puait l'horreur, puait la peur.

Soudain, elle tourna les yeux vers lui : elle l'évitait du regard depuis qu'ils s'étaient retrouvés, sans doute parce qu'elle n'avait aucune envie qu'il devine à quel point elle était triste. Un instant, Alex fut déstabilisé par le regard bleu de Hannah, un regard de défi.

— Tu peux la poser, ta question.

— Quelle question ?

Il fit l'ignorant parce que c'était bien plus simple ainsi – il était dingue de constater qu'il faisait bien plus l'idiot avec Hannah qu'avec ses autres camarades.

— Est-ce que je vais bien ?

— Est-ce que tu vas bien ?

Hannah eut un sourire. Elle regretta presque d'avoir poser cette question qui lui était destinée : quelqu'un de malin n'aurait pas relevé le silence, l'aurait même apprécié. Mais Hannah n'était pas quelqu'un de fondamentalement malin.

— Je vais pas très bien, tu sais. Parfois, je pleure pour rien. Parfois, je pense plus à rien. C'est pas facile, ces situations-là.

Alex lui tint les mains, parce que c'était la seule chose qu'il pouvait faire. Il ne pouvait pas lui donner des conseils, parce qu'il n'avait jamais connu de vrai deuil (il avait juste eu un chien écrasé, mais ça n'avait rien de comparable).

— Je suis là, si tu veux pleurer. Ou si tu veux parler.

— J'ai juste envie de tuer ces Mangemorts, en ce moment.

Même avec son éternel sourire, la phrase de Hannah était quand même remplie d'une certaine haine. Une colère immense dont elle ne savait plus trop quoi faire. C'était la première fois de sa jeune vie où elle voulait tuer quelqu'un. C'était un sentiment assez perturbant, quand même Hannah était une personne violente avec les autres – elle avait déclenché bon nombre de bagarre dans les couloirs de Poudlard.

— Dis-moi, tu retournes à Poudlard cette année, quand même ? demande Alex.

— J'ai hésité.

Elle garda le silence quelques instants. Elle regardait une fleur juste devant elle, seule parmi l'herbe verte. Un jour, Roman lui avait expliqué la composition d'une plante, pour l'aider en botanique (matière qu'elle avait abandonné après sa cinquième année). Elle se rappelle qu'il lui avait parler de l'embryotége, une capsule qui contenait l'embryon des graines. Ce fut ce mot qui revint à sa mémoire en contemplant cette fleur piétinée. Elle ne sut pourquoi, mais elle sentit les larmes monter à ses yeux. Seule la pression rigoureuse et calculée des mains d'Alex dans les siennes lui permirent de continuer sa phrase.

— Mais je vais y retourner, ne t'inquiète pas. Déjà, parce que c'est ma dernière année, et je vais profiter de la réserve de la Bibliothèque.

Alex ne demanda pas pourquoi : il avait compris que Hannah voulait connaître encore plus de sortilèges, voire de maléfices pour se préparer à la guerre. C'était un intérêt louable. Il serait là pour la soutenir, sur tout.

— J'ai du obliger mes parents à y aller, personnellement. Ils veulent que je finisse mes études à Beauxbatons.

— T'as réussi à leur faire comprendre que le bleu pâle t'irait mal ?

Alex s'autorisa un rire, rapidement suivi par Hannah.

— Exactement. Enfin, j'ai menacé de fuguer s'ils m'envoyaient là-bas. Ca a marché.

— J'espère. Sans toi, à Poudlard, je ne ferai pas long feu.

Les mots de Hannah étaient porteurs de cette vérité, qu'elle ne tenta même pas de cacher : elle avait besoin de lui.

Alors, assis dans ce parc moldu, à l'abri des regards indiscrets, ils profitèrent de cet après-midi pour boire des bières et s'aimer jusqu'à la folie.


NB : Hannah a acheté son chat et piqué la chemise à carreaux d'Alex, comme toute bonne petite amie qui se respecte.

Cela n'a rien à voir avec Sherlock HolmesWhere stories live. Discover now